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31/03/2005

La cérémonie.

medium_cvc_set.jpgNous avons tous notre culte personnel.
Le mien s’apparente au Kyudo, l’art millénaire de l’archerie zen.

Ca fait bien, comme ça, du genre « j’ai créé moi tout seul, un culte dérivé du Kyudo ».
Mais en fait, jusqu’à il y a 5 minutes, je ne savais même pas que le Kyudo existait.
Merci Google.
Revenons à nos moutons.

Le mien s’apparente au Kyudo, l’art millénaire de l’archerie zen.
Ce Culte, appelons le « La cérémonie de la Voie » doit être immuable, et précis.
Pourtant s’astreindre exactement et systématiquement à un rituel exigeant permet de se libérer l’esprit, et de faire abstraction des contraintes matérielles.

La cérémonie nécessite, comme toutes les cérémonies dignes de ce nom, une ou deux assistantes ou grandes prêtresses, un rite à suivre à la lettre, un lieu de culte consacré.

Les prêtresses sont vêtues de tenues vertes ou bleues, échancrées, à manches courtes, avec uniquement leurs sous vêtements dessous.
Ou rien, mais c’est plus rare, et je m’égare.
Elles doivent obéir, en silence, au doigt et à l’œil.

Je reviendrai sur le rite plus loin.
Le lieu : une chambre de réanimation, aire sous clavière gauche d’un patient intubé et ventilé. Je préfère la voie sous clavière gauche, car je suis droitier, et c’est la voie la plus propre, et la plus rapide. La plus dangereuse aussi. C’est ce qui fait tout son charme.
Intubé et ventilé, car pas d’explications à donner, pas d’anesthésie locale, pas de mouvements inopinés et dévastateurs.

Le rituel
Tout d’abord, faire le vide dans son esprit, oublier sa peur.
Puis faire le vide dans son esprit, oublier sa peur.
Enfin, faire le vide dans son esprit, oublier sa peur.
Pour ceux qui ne veulent pas les détails techniques : rendez-vous au paragraphe d’après.

- poser les champs en triangle équilatéral en sous clavier.
- « compresses »,faire deux tas : un pour recevoir la bétadine, l’autre pour essuyer.
- Faire le champ : bétadine rouge, rincer au serum physiologique, puis bétadine jaune.
- Demander une seringue non « luer lock » de 10cc (ni 20 cc, ni la seringue du kit, souvent peu maniables, et de mauvaise qualité). Faire jouer le piston deux fois pour faciliter son coulissement.
- Adapter le trocart à la seringue, mais pas trop à fond, biseau vers le haut (du côté de la graduation).
- Repérer l’extrémité souple du guide, l’orienter vers le centre du triangle équilatéral
- Prendre ses repères anatomiques. Caresser la clavicule, l’os à mon avis le plus sensuel du corps humain, avec ses courbes voluptueuses. Repérer si possible le bord externe du ligament costo-claviculaire, ou la jonction 1/3 interne- 1/3 moyen.
- Mimer le geste de piquer avec son index droit. Visualiser le geste avant de le faire, afin d’exorciser sa peur.
- Le geste est à la fois simple, complexe, brutal et doux, esthétique et sanglant: viser l’épaule controlatérale, piquer un centimètre sous le bord inférieur de la clavicule, avec une angulation de 30 degrés, effectuer un mouvement de rotation vers le haut autour de l’axe de la clavicule, tangentiel au bord inférieur, voire l’enrouler, comme un « Fosbury » inversé.
- Maintenant, on le fait pour de vrai
- Aiguille biseau vers le haut, pointe posée délicatement sur la peau.
- Grande inspiration, faire le vide dans son esprit, oublier sa peur.
- Piquer en aspirant
- Le sang doit être noirâtre, il doit remonter franchement dans la seringue, et ne doit pas repousser pas le piston quand on lâche ce dernier. Si l’un de ses critères n’est pas respecté, ce n’est pas bon. Au pire, c’est de l’air qui remonte, moins pire, du sang rouge vif pulsatile, au mieux pour un échec, toujours du vide.
- En cas d’air : espérer que l’on sait toujours mettre un drain thoracique en urgence, en cas de sang rutilant, enlever l’aiguille, et comprimer (ça ne sert à rien, mais cela donne l’impression de faire quelque chose d’utile), en cas de vide, changer l’angulation de l’aiguille, en pointant toujours vers le haut.
- Ma conception du geste parfait : qu’il soit réussi au cours de l’apnée initiale.
- Désinserer la seringue, sans bouger l’aiguille, et monter le guide, sans résistance.
- A la moindre résistance, ne pas forcer, et repiquer, car on est sorti de la veine.
- Retirer le trocart lentement, en maintenant le guide en place au point de pénétration dans la peau
- Ensuite, monter la Voie sur le guide, en le tenant par son bout proximal et distal (avec sa troisième main, mais c’est fondamental de toujours voir le bout distal du guide).
- Retirer le guide
- Fixer la Voie avec trois points (ni un, ni deux, trois).
- Faire le pansement : bétadine rouge, rincer au serum physiologique, puis bétadine jaune, tamponner avec des compresses propres, puis pansement.


Pourquoi l’analogie avec le Kyudo ?
Car je le vis comme un exercice de contrôle de soi, et j’essaye de faire toujours le geste le plus pur, en une apnée (je suis devenu très fort en apnée, a fil des années)
Je pense même que c’est plus difficile : la cible de l’archer ne bouge pas, ne crie pas, n’a pas peur, il ne risque pas de transpercer un poumon ou une artère (même en étant très malhabile), et il n’a pas autour de lui des IDE et AS piaillantes et râlantes.

Le contrôle de soi passe donc par l’abstraction des conditions environnantes, et du malade.
C’est fondamental, une fois le geste enclenché, il faut nier le malade, pour ne pas être dangereux pour lui.
Ce n’est pas facile, si l’esprit tremble, la main aussi.
Il faut « être » le trocard, « être » la veine, devenir un pur esprit piqueur, si je croyais en la réincarnation, je deviendrais un Anophèle.
(ouarff, à la relecture, je vois que je suis complètement parti sur le toit…).

L’enseignement est long, j’ai posé ma première Voie en hiver 1997, et je considère toujours être loin de la perfection (100% de réussite en une apnée).

Enfin, le respect scrupuleux des petits gestes est fondamental pour la concentration, surtout ne pas troubler son esprit en réfléchissant à ce que l’on va faire.
J’ai souvent remarqué que des séquences précises de rituels étaient souvent la base de techniques de concentration (le rosaire, les antéflexions du tronc devant le Mur, les rituels des sumotoris…).

Lors de ma dernière garde, j’ai réussi le geste parfait (c’est pas si fréquent), à 6h00 (la pire des heures). Le summum, c’est de pouvoir engueuler l’infirmière en lui demandant les lignes de perfusion, qu’elle n’a même pas eu le temps de préparer.
« Maisquestcequetufousmenfintudors ?? ». Généralement, je me prends une compresse stérile dans la figure, et une phrase du genre « Tu es tellement rapide… ».
C’est bon, la gloire, même éphémère, à 6h00 du matin.

Ainsi passe la gloire du monde, La Roche Tarpéienne est proche du Capitole.

11:35 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)

28/03/2005

Compromission.

medium_me0000059107_3.jpgJ’ai déjà évoqué à plusieurs reprises les relations sulfureuses qu’entretiennent les médecins, et l’industrie pharmaceutique.
En gros, nous sommes bombardés de petits (et gros cadeaux) pour nous persuader de prescrire telle ou telle molécule.

Cela va plus loin, l’industrie a aussi la main mise sur une partie des moyens d’information des praticiens.

De quelle façon ?
- Elle rémunère les auteurs des études, et finance ces dernières (heureusement, car sinon personne ne le ferait). D’ailleurs, les résultats lui appartiennent.
- Elle permet aux journaux scientifiques de vivre grâce à des pages entières de publicité
- Elle finance entièrement des hebdomadaires pseudo scientifiques que nous recevons tous, et qui digèrent les dernières informations publiées (vous imaginez dans quel sens…). Les auteurs, souvent des « leaders » d’opinion médicale sont grassement rémunérés.
- Elle finance l’accès des médecins à ces congrès.
- Elle finance des sites Internet, eux aussi pseudo scientifiques.
- Elle finance des associations de malades, excellents leviers de pression face aux pouvoirs publics.
- …

La liste n’est pas exhaustive.

Je vais vous donner un exemple magnifique de plan de communication réussi.

Il y a environ 3 mois, j’ai été convié à une soirée rémunérée (environ 150€), afin de répondre à des questions sur un nouveau produit, non encore commercialisé.
Tester une publicité ou un argument de vente d’un produit devant un petit panel de médecins est chose assez courante.
Je me suis retrouvé autour d’une table, avec une dizaine d’amis praticiens (CCA, internes, cardiologues libéraux).
Une jeune femme, appartenant à une boite de communication, nous a présenté les caractéristiques du produit, appelons le « R ».
Il fait maigrir (il diminue la quantité de graisse abdominale, la pire, en terme de risque cardio-vasculaire), améliore les métabolismes lipidiques et glucidiques, et aide au sevrage tabagique.
En un mot, la panacée.
En fait, les arguments que l’on nous a présentés nous ont tous fait hérisser les cheveux.
Le produit agit sur tellement de paramètres, que cela ne parait pas « sérieux ».
L’expérience montre en effet que l’efficacité d’un produit est très souvent inversement proportionnelle au nombre d’effets bénéfiques escomptés.
Enfin, et surtout, ce produit n’améliore, pour l’instant, ni la morbidité (accident cardio-vasculaire, hospitalisation…), ni la mortalité, car les études idoines n’ont pas été publiées.
En gros, un effet pour l’instant purement cosmétique (encore une fois, rien d’autre n’a été prouvé), mais potentiellement très attractif sur le grand public.

On nous demande de choisir les arguments de vente les moins mauvais, sinon on passe la soirée à flinguer le produit.

Le temps passe.

Des études, toujours les mêmes, sortent régulièrement, montrant l’intérêt de R dans la réduction de la masse abdominale.
Puis viennent les articles, signés d’experts, qui nous rappellent chaque semaine la gravité d’avoir de la graisse abdominale pour le système cardio-vasculaire.
On le sait depuis longtemps (la fameuse obésité androïde), mais actuellement, on le clame sur tous les toits.
Au début, ces articles ne mentionnaient pas R, puis depuis la publication des résultats des études initiales, on le mentionne.
Stade supérieure, R fait la une du « Monde.fr », et peut-être du « Monde » tout court : « la molécule qui fait maigrir ».
Bien évidemment, le laboratoire fait la vierge effarouchée, comment peut-on dire cela ? Nous refusons de communiquer sur la perte de poids, notre produit et novateur dans la lutte contre les facteurs de risque cardio-vasculaires…
Bref, deux langages, un pour les professionnels de santé, et un autre pour le grand public : le plus en plus fréquent « Parlez-en à votre médecin ».
La communication directe, au dessus de la tête du médecin (comme aux EU) a l’immense intérêt de faire prescrire des pilules à des patients, donc dans l’immense majorité des cas, totalement ignorants d’un domaine très complexe (indication/contre-indication, balance risque-bénéfice, études statistiques, biais…).
Ce marketing se développe de façon exponentielle (Cf. « Pilule sur ordonnance : l'industrie s'essaye au marketing grand public » dans « Le Monde » du 20 Mars 2005), et est à mon avis extrêmement dangereux.
Bientôt, le patient, « sensibilisé » par tel ou tel labo va demander tel ou tel produit à son médecin. Deux solutions : le praticien cède, et le labo a gagné (mais le patient ?), ou le praticien résiste, et adieu l’effet placebo « positif » dont parlait DW Winnicott (« Le médecin se prescrit en prescrivant un traitement »), le patient n’adhérera jamais à un traitement qu’il n’aura pas initialement choisi.
L’information impartiale, c’est bien, mais la « sensibilisation » avec le numéro vert du labo, cela me semble dangereux.
Les gens n’ont pas fini de jouer aux apprentis sorciers.

Comment va se poursuivre la carrière de R ?
Probablement bien, il va obtenir son AMM, sûrement avec des réserves (genre ASMR III ou IV), mais qu’importe, personne ne les lit.
Les médecins, gavés de publicité, et poussés par leurs patients vont le prescrire « larga manu ».
Donc énormes gains, sauf si on découvre un effet secondaire « fâcheux » à moyen et long terme (comme l’Isoméride® le Staltor®, les coxibs plus récemment).
Alors, on sera bien en peine de retrouver les « leaders » d‘opinion qui nous ont si bien « sensibilisé ».

27/03/2005

Lost in Translation.

medium_lost-in-translation-3.jpgUn des rares films qui m’ont marqué, mais je ne suis qu’un spectateur de cinéma très occasionnel.
Ce film traite de nombreux thèmes (la perte de la jeunesse, l’effilochage des couples, la solitude, la place de l’individu dans la société actuelle hyper technologique…) avec une grâce, et une finesse rares. Ceci en fait une belle évocation de la vie.
La première fois que j’ai vu ce film, c’était après une nuit de garde agitée.
J’étais donc parfaitement en phase avec ce film, et en opposition de phase avec le monde environnant.
Bill Murray et Scarlett Johansson sont fabuleux.
Ma scène préférée, celle des retrouvailles, pleines de tendresse et de promesses.

Pour ne rien gâcher, Bill Murray porte au poignet une Datejust or et acier, face noire et bracelet jubilé (dans les fora anglophones: DJ S/S black face Jubile.)
Ce petit exercice est nommé le "watch spotting", et est aussi stupide que de noter les immatriculations des avions entrain de décoller. Mais bon, on ne se refait pas.
Par exemple, quelle est la montre du « vrai » James Bond (avec Sean Connery)?
Une Submariner sans date de 1954.

21:00 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0)

Astérix

medium_ledevin.3.jpgLe Devin. Uderzo.
Planche 10, page 10. 1972





Mon père m’a offert mon premier Astérix avant que je sache lire (Astérix en Hispanie).
Depuis, je ne suis jamais arrivé à lire une autre BD.

Pourquoi ?
Parce que, enfant, en lisant les aventures du Gaulois, je me suis plusieurs fois pissé dessus de rire.
Adulte, je ne me pisse plus dessus, mais je ris toujours, et je découvre des allusions cachées qui me ravissent.
Vieillard, je me pisserai à nouveau dessus, et je rirai toujours de bon coeur.

La valeur d’une œuvre, quelle qu’elle soit, est la multiplicité des lectures que l’on peut en faire, à 3 ans, à 30 ans, et au-delà, que l’on soit médecin, ou maçon, européen ou asiatique.
Astérix me fascine depuis toujours, et ce n’est pas prés de s’arrêter.

medium_anatomi.4.jpgLa leçon d'anatomie du Professeur Nicolaes Tulp. Rembrandt 1632
169,5 x 216,5 cm
Mauritshuis, The Hague





Excellent site sur Astérix

08:50 Publié dans Loisirs | Lien permanent | Commentaires (1)

26/03/2005

L’aire d’autoroute.

medium_030448-biot.jpgL’été dernier, nous faisions un long trajet autoroutier avec les enfants.
Nous nous arrêtons sur une aire d’autoroute pour nous dégourdir les jambes, boire, et faire un petit pipi.
Nous nous garons à l’ombre de chênes-liège, non loin des toilettes.
Les cigales grésillent comme des démentes, j’arrive à en localiser une sur un tronc, et je mets Guillaume sur mes épaules pour lui faire voir d’où vient ce curieux petit bruit.

Au-delà de la rangée d’arbres, une pente de 7-8 mètres, assez brutale mène à un ru. De l’autre côté du petit ruisseau, une courte remontée est barrée par la clôture de l’aire et un sous bois.

Guillaume et moi descendons patauger dans l’eau fraîche et vive, nos pantalons remontés.
Après quelques minutes d’éclaboussements joyeux, nous remontons.

Je discute du temps avec un conducteur venu, lui aussi se dégourdir les jambes.
Sally est allée avec Guillaume faire un pipi, tandis que je porte le petit dans mes bras.
C’est alors que je remarque un curieux manège.
Des voitures arrivent successivement, accompagnées par un motard de la police, qui crie un chiffre à une consoeur debout à côté d’un fourgon, que je n’avais pas remarqué jusqu’à présent : 160, 201, 190…
Nous sommes au fond d’une nasse à excès de vitesse.

Evidemment, les contrevenants sont de méchante humeur.
Je vois arriver une dame, la cinquantaine, conductrice d’une Volvo, contrôlée à 180.
Elle est accompagnée de son père, environ 80, grand, maigre, un peu perdu.
Ils sortent de la voiture, et pendant que la fille rentre dans le fourgon, le père sort du coffre, en laisse, un jeune boxer un peu fou.
Le chien tire comme un damné, et entraîne le papi.
Mon compagnon et moi voyons ce couple enlaissé et instable franchir la bordure du parking, et tirer tout droit perpendiculairement à travers la pente.
Je n’aurais jamais cru qu’un monsieur aussi âgé pouvait tricoter des jambes aussi rapidement, le torse arquebouté en arrière.
Il parvient à éviter le ruisseau, mais s’incarcère de tout son long dans la remontée.
Le chien est bien sûr ravi que son maître se roule avec lui dans l’herbe.
J’espère qu’il ne s’est pas fait un « col ».
Non, il se relève et remonte péniblement jusqu’au parking.
Sa fille, rouge de colère, sort du fourgon, et passe devant lui pour retourner dans la voiture.
Elle lui lance sur un ton peu amène :
« Et fait attention de ne pas tomber, il ne manquerait plus que ça, aujourd’hui !! ».

Elle n’a même pas remarqué les traînées verdâtres sur son blouson, ni mêmes les quelques brins d’herbe au milieu de cheveux blancs en bataille.

25/03/2005

SMS

medium_baudelaire.jpg
Un site propose un traducteur automatique français/SMS (lien trouvé sur Telerama).
J'ai essayé de rendre Baudelaire un peu plus accessible pour la jeune génération




La Nature é 1 templ ou 2 vivan piliers
Laissent parfoua s0rtir 2 konfuzes par0les;
L’ho y pace à través des f0ré d symb0les
qui l’0bserv av des regar familié.

kom d long éch0s qi 2 loin s konfonden
t ds 1 ténébreuze é pr0fonde unité,
Vaste comm la n8t è kome la clarté,
Les parfums, les couleur & les son c répond.

Il e dè parfums frè kom dè chairs d’enfan,
Doux kom lè h0tbois, verts kom lé prairies,
_ ê d’autr, kor0mpu, riche é tri0mfants,

Ayan l’expansion dé choz 1finies,
kome l’ambr, l musc, l benjoin é l’ensens,
qui chan lè transp0rts d l'esprit i des sens.

B0delaire, lè fleur du mal IV


La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
— Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.
Baudelaire, Les fleurs du mal IV


Etonnant, non?

07:23 Publié dans Web | Lien permanent | Commentaires (3)

23/03/2005

Sortie de garde.

medium_flail.jpgLa nuit a été calme.
Une entrée de 6h30 est venue mettre un peu d’animation.
Homme de 60 ans, rupture de cordage et capotage de la petite valve mitrale, IM et OAP massifs.
Intubé, ventilé, transféré.
2 expressos, et c’est parti…
Une échographie cardiaque trans thoracique rapide, de débrouillage (dommage que je ne puisse pas numériser les images qui étaient magnifiques).
Je lui ai mis une VVC et une artère radiale en moins de 5 minutes (j’aime bien déconnecter le cerveau et n’utiliser que la fonction manuelle, surtout quand tout se passe bien).
Un peu de dobutamine, et hop, au bloc dans la matinée.

Je ne sais rien du patient, qui n’a été pour moi qu’un creux sous clavier, et une gouttière radiale gauches entourés de champs verts jetables. Pas d’empathie, pas de sentiment. De la technique pure.
Ca fait du bien parfois de mettre la fonction empathie au repos, de ne plus analyser les actions et réactions du patient, de ne plus se surveiller pour ne pas dire quelque chose qui serait mal interprété, de ne pas devoir simplifier à l’extrême des mécanismes faisant l’objet de centaines de publications dans le Monde, et pas toujours élucidés, de ne pas avoir à parler si l’on n’en a pas envie, et de répondre aux questions en grognant, si on le veut.
Bref, de régresser à un stade primaire, comme Robinson dans sa soue.

Bon ce n’est pas tout, mais je vais devoir reprendre mes habits civilisés, jusqu’à la prochaine garde.

PS: image en ETO, tirée d'internet, montrant un superbe prolapsus de la petite valve mitrale, comme chez mon patient

07:44 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)

22/03/2005

Le Corse.

medium_corse.jpgMon troisième Chef de Service était corse.

N’imaginez pas les fromages explosifs, ni les vendetta héréditaires, ni enfin les siestes nycthémérales heureusement entrecoupées par des sommeils réparateurs.
N’imaginez pas non plus un accent à couper au couteau, mais une intonation plus subtile, accentuée lors des menaces.
Imaginez un élu du peuple, avec un pouvoir politique conséquent, ou cela revient au même, qui le fait croire.
Imaginez un pouvoir universitaire et médical tels qu’ils pouvaient exister avant la technocratie actuelle.
Imaginez une ville du Sud, ou les réseaux, et clans règnent en maîtres, ou la Règle n’existe que pour savoir par où la contourner.

Il a connu l’époque bénie ou son pouvoir n’avait pas de limites, un claquement de doigt faisait apparaître un agrégé de chirurgie digestive ou de radiologie, maugréant pour la forme, mais présent et obéissant.
La rédemption d’un service obtenu est toujours longue à obtenir.
Comme tout chef se respectant, il choisissait une favorite, et la propulsait dans l’échelle sociale : école des cadres, BMW Z3, fourrures…
Evidemment la favorite en titre, et ses devancières assuraient un service de renseignement efficace sur tout ce qui se passait dans le service, encore un instrument de pouvoir.

Un couple d’amis industriels corses (ça existe !!) désire passer quelques jours en ville pour les soldes de janvier, et quelques soirées au Casino (pas le supermarché !). Pas de problème, leur chambre double est réservée de telle date à telle date. Certes, ils avaient des pathologies de la vieillesse. Mais pas de quoi passer 8 jours à l’Hôpital à 1000-1100 euros la journée. Les aides soignantes gardaient la clef de leur chambre dans leurs poches, jusqu’à leur retour nocturne et tardif, après une virée au Casino (petite gourmandise de Madame).
J’ai fait leur entrée un jour. Que mettre comme motif d’admission ? J’ai fait comme les générations d’internes qui m’ont précédé, et j’ai marqué la phrase rituelle sur le dossier médical : « Admission pour bilan de santé ».

Une amie (non corse) a un festival de Jazz dans un mois.
Pas de problème, sa chambre seule est déjà réservée.
« Tu réserve la chambre, Lawrence ».
« Ce sera fait, Monsieur ».

Son ex-femme a une migraine ?
Il fait ouvrir une unité de soins intensifs cardiologiques, qui était fermée pour une partie de l'été. Evidemment, scanner cérébral dans la minute.

Un protocole de recherche clinique très juteux (7500 euros par patient), pas de problème non plus, les indications sont élargies, et les contre-indications pudiquement passées sous silence.

Il prépare sa retraite dans le privé en envoyant tous les patients du service en convalescence dans une certaine maison de rééducation (même si le patient habite à l’opposé de la ville), et à son départ, il emporte tous les dossiers médicaux de sa consultation privée.

Un jour, convoqué dans son bureau (moment toujours un peu anxiogène), j’assiste à une scène qui restera gravée dans ma mémoire.
Un patient, chemise Boss à rayures bleues grande ouverte, est penché au dessus du bureau professoral. Et le Professeur l’ausculte de sa place, penché lui aussi au dessus de son sous-main, les oreillettes de son stéthoscope au niveau des apophyses mastoïdes : « Rentre ! ».
Quel bel édifice symétrique ! Pour ça, le client (non plus un patient) payera 107euros, et reviendra le mois d’après, pour un « contrôle ».

Ses patients, si fiers de se faire suivre par lui, ne sont pour lui qu’objets de mépris, sauf si ils sont détenteurs d’une parcelle de pouvoir qu’il pourra utiliser (avocats, syndicalistes…).

Il déboulait les samedis et dimanches dans le service, suant et sifflant (BPCO post tabagique avancée), pour faire la visite devant la liste des patients affichée au mur.
Attention alors, si on ne répondait pas à une de ses questions, il tournait rouge pivoine et explosait de rage, en hurlant des insultes que je n’ai jamais entendues ailleurs :
« Tu es con à bouffer des bites par paquets de douze ».
« Appelle Untel [un agrégé de chirurgie digestive], et dis lui : mes couilles».


Malgré tout, je l’ai choisi comme membre de mon jury de thèse, et je pense à lui avec un brin de tendresse (pourtant, jamais je ne voudrais revivre cette époque, avec du recul, je ne le supporterai pas), car il est un des derniers dinosaures d’une époque (heureusement) révolue, celle de la toute puissance.
C’était une crapule, mais tellement caricaturale, qu’elle en devenait attachante.

Sa fin de carrière n’est pas très heureuse à ce que l’on m’a dit.
Il est cantonné dans un bureau dans une grande clinique privée, dont il ne fait plus trembler les murs. Il doit continuer à suivre tous ses vieux patients, ressassant leur gloire respective perdue. Ah, naufrage de la vieillesse…
Sa principale collaboratrice est une ASH, sa dernière Mme de Maintenon, qui le critique dans son dos, rédige et signe ses ordonnances, et doit lui faire une gâterie entre deux patients.
De plus en plus rarement.

La fin d’un règne.

15:50 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)

20/03/2005

Malevil.

medium_film_malevil.3.jpgUn autre de mes livres multi-lus.

Cet ouvrage de Robert Merle raconte l’existence précaire d’un groupe de survivants à un cataclysme nucléaire.

Par contre, je déteste le film

L’ouvrage a été écrit en 1972, année de ma naissance, en pleine guerre froide.
L’histoire est donc un peu démodée, à l’heure du bioterrorisme, « so seventies » dirait Lorenzo du Mercutio Club.

L’écriture est parfaite de simplicité, le trait est précis comme d’habitude chez Merle.

Le héros, Emmanuel Comte, prend la tête d’un groupe de survivants assez disparate (1 communiste, 1 athée, et 2 catholiques). Au début, il faut s’organiser pour survivre physiquement (semailles, entretien des quelques bêtes restantes…), mais aussi moralement (lecture de la Bible, le soir « au cantou », et ce malgré son athéisme).

Les décisions sont prises en commun, même si Emmanuel arrive souvent à faire pencher la balance dans son sens. Sauf une fois, lors d’un vote sur le « partage » de la « Miette », seule femme en âge de procréer, survivante au début du roman (lectrices, ne vous insurgez pas, la « Miette » garde son libre arbitre, mais Emmanuel juge la monogamie contraire à leurs nouvelles conditions de vie, au contraire des cinq autres hommes).
La communauté est attaquée par des bandes de pillards sans foi ni loi, puis ils rencontrent une autre micro société structurée à quelques kilomètres d’eux.
Ici, aucune démocratie, c’est la théocratie d’un curé qui règne sans partage.
Evidemment, les deux groupes s’opposent, et le curé (« Fulbert ») est un rude adversaire.
Que va faire Emmanuel pour s’opposer à lui ?
Il va se nommer Evêque, et va célébrer le culte catholique, malgré son athéisme (« qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse »).
Il le fait en partie pour contrebalancer le pouvoir délétère, que Fulbert a sur ses ouailles, mais aussi car il se rend compte qu’une Société ne peut vivre sans un minimum de croyances ou de spiritualité.
Là est le cœur du roman.
Pas de Société sans spiritualité, donc pourquoi ne pas en « créer » une, à partir de croyances ataviques, ou d’un syncrétisme.

Une grande majorité des éléments bibliques ont un point de départ réel.
La Manne est ainsi une sécrétion sucrée d’un arbre nommé « Quercus vallonea », le Déluge, une réminiscence des catastrophiques crues de L’Euphrate, relatées par des tablettes sumériennes. Dans un autre texte fondateur de l’Occident, mais non spirituel, celui-ci, l’Odyssée, Homère décrit de façon romancée des lieux et phénomènes connus par les marins de la Méditerranée (Cf. les travaux de Victor Bérard). L’Odyssée n’est finalement rien d’autre qu’un guide pour le plaisancier (cette phrase est ironique, bien sûr, je trouve ce texte magnifique).

Donc, j’imagine que les hommes occidentaux ont façonné durant des millénaires une doctrine, pas forcément pour assujettir l’autre (au début), mais pour servir de tuteur à la Société humaine.
Evidemment, c’est mon point de vue d’athée.
Mais, il faut bien dire que les religions ou philosophies « alternes » (mot à la mode) pullulent depuis que l’Eglise a amorcé un déclin, qui me semble inexorable.
Je préfère nettement voir une église pleine, que des cadavres carbonisés dans une clairière du Vercors.
Donc, la quête de sens est une valeur à la hausse.
Heureux ceux qui ont la Foi, ou ceux qui vont croiser le Chemin de Damas (Actes 9 :3), ou heurter un pilier de la Cathédrale de Chartres tel Péguy.
« Heureux les simples en esprit » (Matthieu 5:3), qui n’ont pas à chercher un sens à leur vie, et à celle des autres.

Emmanuel fonde donc une « religion », proche de la Bible, assez similaire au protestantisme (son oncle est protestant). Il retient des Paraboles et des Livres l’histoire de gens simples, confrontés à une nature hostile, autrement dit, sa situation.
Cette lecture « historique » de la Bible exclut bien évidemment toute idée d’intolérance, de pêché, de repentance, notions que je méprise.
C’est l’antithèse du nazisme, qui est une religion/doctrine basée sur la haine, mais qui a permis d’assurer la main mise de quelques uns sur tout un peuple (Cf. une note du 20/02, « Le Roi des Aulnes).

Sally et moi n’avons pas fait baptiser nos deux fils. Si ils croient, il devront faire une démarche volontaire pour rentrer dans la communauté des Chrétiens. Par mon Baptême, j’en fais partie, mais l’absence de démarche volontaire rend à mon avis, cette appartenance sans valeur. Je n’ai toutefois jamais réellement envisagé l’apostasie.
Pour l’instant, je n’ai pas besoin d’avoir de béquilles pour vivre, peut-être que cela va venir, comme pour certains :
« Je crois aux forces de l'esprit et je ne vous quitterai pas ».

14:15 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (4)

Paroles de patients.

medium_doctor-strange-169-cgc-8.0.jpgRéponses d’un médecin le lendemain d’une garde difficile (ou grognon, un mauvais jour)

Docteur, quand je fais ça (il mime un geste assez peu naturel), j’ai mal à la poitrine.
Ben, ne le faites plus…

Bonjour Monsieur, pardon, Docteur…

Ce n’est pas grave, je suis né Monsieur, et je mourrai Docteur.

Docteur, je vais mourir ?
Oui.
Comme nous tous…

Docteur, c’est grave ?

Non, oui, ça dépens…

Docteur, désormais, je peux faire quoi ?

Tout, sauf sauter à l’élastique d’un pont, et devenir cascadeur.
Et j’oubliais, baiser….

Votre traitement, ça va marcher ?

Non, c’est pour ça que je vous le donne…

Je vais vous chercher les pouls [fémoraux]
Des poux?!
Vous me prenez pour qui, je suis propre moi...