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20/02/2005
Petits plaisirs simples (2)
14:20 Publié dans ma vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (1)
19/02/2005
Samira
Il fait chaud dans ce hangar, à quelques kilomètres de Montpellier.
Les rayons du soleil balayent les nuques ou les visages des infortunés qui composent sur leur trajectoire.
Nous sommes 3500, il n’y aura que 1815 élus, et encore, mieux vaut ne pas être le 1815ième, pour pouvoir choisir sa spécialité et son affectation.
Malgré notre nombre, et la caisse de résonance du hangar, il règne un silence oppressé lorsque les correcteurs apportent la deuxième série de dossiers.
La nuit a été courte entre les deux jours d’épreuves, certains croient qu’ils ont perdu la partie, d’autres le savent, d’autres enfin, l’ignorent.
En me couchant (la veille du premier jour, ou celle du second, je ne me souviens plus), j’ai regardé 15 minutes de « L’année Juliette » avec Luchini. Je n’aime pas cet acteur, mais je l’ai quand même supporté un quart d’heure, car il y joue un anesthésiste (un SPECIALISTE…).
Je n’ai pas osé y lire un augure, même lorsqu’il a traversé l’écran de droite à gauche en coassant et en agitant ses bras de haut en bas.
Je n’étais pas très inquiet, dans ce hangar, j’avais perdu mon père quelques semaines auparavant, et malgré notre éloignement, mon potentiel de relativisation était à son maximum.
Delphine était là aussi, si proche et si lointaine à la fois.
Je lis et réponds aux dossiers, jusqu’à ce que je rencontre Samira.
Elle a 3 ans, et sa vie n’est déjà pas rose du tout, elle est même plutôt noire. Et elle a mal au ventre.
Sa couleur de peau est un piège, puisqu’il évoque, associé aux douleurs abdominales dont elle se plaint, une maladie génétique fréquente chez les sujets noirs : l’anémie falciforme (ou drépanocytose).
J’ai balayé cette hypothèse en un éclair.
Une autre image m’illuminait : elle vit dans un squat, avec ses parents et ses 5 ou 6 frères et sœurs, et elle mange les petites écailles de peinture blanche, qui se délitent d’un mur rongé par l’humidité.
Ces écailles, au goût sucré remplacent les friandises, que maman ne peut lui offrir.
Mais, ces écailles la tuent petit à petit, en lui faisant ingérer un poison insidieux : le plomb.
Cette fillette souffre de saturnisme.
C’était évident.
Même dans ce dossier, flottait l’image paternelle.
Au cours de mon externat, j’allais feuilleter au grenier des vieux numéros du « Lyon médical » (aujourd’hui disparu, je crois), qu’il avait laissés à son départ.
Un numéro comportait un dossier sur le saturnisme.
Il racontait que le plomb était jusqu’en 1904 le composant du « blanc de Céruse », des peintres de la Renaissance, mais aussi des peintres en bâtiment.
Cette peinture lentement mortelle en cas d’ingestion, avait la perversité d’avoir un goût sucré, comme pour mieux attirer ses petites victimes.
Il racontait aussi (c’était mon passage favori) que la chute de l’Empire Romain pouvait, en partie, être expliquée par le saturnisme.
Les « élites » romaines, en effet pouvaient se permettre le grand luxe de s’acheter des ustensiles de cuisine revêtus de plomb. A chaque repas, toute la classe dirigeante s’empoisonnait lentement mais sûrement. Quand on sait que les conduits des aqueducs étaient en partie plombés, on imagine bien que la quantité de toxique ingérée quotidiennement par un romain (encore plus si il était riche) devait être impressionnante.
Le saturnisme provoque entre autres des troubles psychiatriques, des malformations congénitales, des épilepsies, et une stérilité. Tous ces symptômes ont frappé plus ou moins durement le classes supérieures (l’adoption était alors très répandue pour empêcher les lignées de s’éteindre : par exemple César et son fils adoptif Brutus, qui le tuera aux ides de mars 44).
L’Empire Romain, conduit par des lignées dégénérées par la consanguinité et le saturnisme se serait effondré comme un château de carte, mais par le haut.
Bref, devant ma copie, j’ai eu une réminiscence qui m’a guidée. Heureusement, car à la base, j’avais très peu d’affinité pour la « Santé Publique », et encore moins pour le saturnisme.
Je ne me souviens plus combien j’ai eu à ce dossier, mais beaucoup de mes condisciples avaient posé le diagnostic de drépanocytose.
J’aime à penser que j’ai réussi l’internat grâce à ma passion pour l’histoire antique, et aux mânes paternelles.
Et ce, même si ce n’est pas tout à fait vrai.
Samira, fillette noire de 3 ans, présente depuis quelques heures, des douleurs abdominales vives, sans fièvre, sans point douloureux précis ni défense musculaire au palper de l'abdomen. On apprend par l'interrogatoire que depuis quelques semaines cette enfant s'est plaint du ventre à plusieurs reprises ; elle a souffert également de céphalées intermittentes ; elle est triste, apathique, sans entrain. Des radiographies simples de l'abdomen ont éliminé toute affection grave nécessitant un traitement chirurgical immédiat, mais elles ont révélé la présence de petits corps étrangers radio-opaques dans le côlon et des anomalies du squelette pelvien qui ont fait prescrire une radiographie du genou montrant des bandes denses métaphysaires le long des lignes d'ossification des fémurs et des tibias.
Q.1
En fonction de cette image radiologique et des données issues de l'observation, quel diagnostic proposez-vous ?
Q.2
Quel(s) argument(s) recherchez-vous par l'interrogatoire des parents pour étayer cette hypothèse ?
Q.3
Quels examens complémentaires demanderez-vous pour étayer ce diagnostic et qu'en attendez-vous ?
Q.4
Une nouvelle crise douloureuse abdominale survient. Un ASP est réalisé en urgence. Quelles images vous attendez-vous à retrouver ?
Q.5
Si les premiers examens biologiques ne vous permettent pas d'affirmer le diagnostic de la maladie causale, un test dynamique peut vous y aider. Lequel ?
12:00 Publié dans Mon passé | Lien permanent | Commentaires (3)
Lai Tai
« Lai Tai » signifie en thaïlandais « la mort qui survient durant le sommeil ».
Dans le nord de la Thaïlande, aux confins avec le Laos, le « Lai Tai » recoupe une réalité et des traditions ethnologiques millénaires.
Les jeunes hommes s’habillent en femmes pour dormir, afin de tromper les fantômes des veuves qui, sinon, les raviraient durant leur sommeil.
Ce phénomène est assez fréquent, pour que ce peuple ait créé une tradition pour le conjurer.
En 1999, on a résolu le mystère de ces veuves, revenues se chercher un mari la nuit.
Il s’agit d’une maladie génétique (pour les puristes, une mutation du gène SCN5A), qui provoque des épisodes de fibrillation ventriculaire (l’équivalent d’un arrêt circulatoire) nocturne. Cette mutation n’est effective que chez les hommes.
L’électrocardiogramme retrouve des anomalies assez spécifiques, qui signent le diagnostic.
Mine de rien, ce syndrome est la plus fréquente cause de mortalité subite chez l’homme jeune dans le sud-est asiatique (40/100.000 habitants par an).
Un article de 1999 (Circ Res 1999;85:1206-13.) raconte l'histoire d'une famille qui a perdu 25 membres, décédés de mort subite, dont 16 la nuit.
Mais, le "Lai Tai" touche, avec quelques variations, et de façon beaucoup plus rare, des hommes d’autres groupes ethniques, dont le notre.
Dormez tranquilles.
07:50 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)