Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« 2006-12 | Page d'accueil | 2007-02 »

21/01/2007

L’inconnu.

Cette semaine (mercredi, je crois), un copain assistant à Paris m’appelle.

Il m’a raconté une histoire assez étonnante.

Pour des raisons évidentes, je ne dévoilerai aucune identité.

 

Un immense écrivain de langue française arrive en urgence au CHU, accompagné de sa plantureuse attachée de presse.

Je sais à qui vous pensez, mais ce n’est pas lui.

 

L’écrivain en question est plus âgé (d’où la fracture du col), il est académicien (non plus: ni de la promo de cette année, ni des précédentes) et a remporté le Goncourt. Des  écoles portent  son  nom.

Il arrive donc précédé par différents coups de fils passés par des amis à d’autres amis importants, afin de lui réserver le meilleur accueil possible.

On envisage de le coucher aux soins intensifs cardiologiques en attendant la prise en charge orthopédique.

Une bonne partie du staff médical de cardiologie le voit donc débarquer.

« Mais-qu’-est-c’est-que-ce-patient-qui-n’est-même-pas-cardiaque-vient-faire-dans nos-lits-et-en-plus-il-n’est-même-pas-célèbre,-dehors ! ».

Et donc, voilà notre pauvre célèbre fracturé qui se retrouve en transit pour un autre lit.

De tous les médecins présents, seul mon ami le connaissait.

Sachant mon admiration pour cet écrivain, il m’a donc appelé.

Avec son humour habituel, il m’a lancé en fin de conversation :

« Si tu es un peu fétichiste, je peux te faire parvenir sa radio du col numérisée ».

J’ai accepté, à condition qu’il me la dédicace.

 

Une remarque.

La cardiologie et l’orthopédie ne sont finalement pas si éloignées que cela, et coucher ce patient dans « nos » lits n’est pas si aberrant que cela si l’on compare la culture de leurs praticiens à la lumière de cette histoire (je sais, c’est facile et c’est un lieu commun de leur attribuer une certaine "frustritude" (ouarff). Tant pis). Personnellement, je l’aurais accepté, ne serait-ce que pour avoir une minuscule conversation avec lui. Bien sûr, ce n’est pas le médecin qui parle, mais le lecteur. Mon ami aurait fait de même.

 

J’étais quand même stupéfait devant tant d’ignorance devant un nom qui me semblait si immense.

 

Je raconte cette histoire autour de moi à la clinique, du genre « Vous vous rendez compte, c’est énorme ! Ils ne le connaissaient même pas ».

 

Et bien, ils ne le connaissaient pas non plus. Ils ont simplement remarqué que c’était bien fait qu’il se soit fait expulser des soins intensifs « car il y en a marre des passe-droits »

Je suis persuadé, mais je me suis tu, que ceux et celles qui m’ont dit cela seraient les premiers à me demander de passer quelques coups de fils pour faire hospitaliser « au mieux » leurs proches, par exemple Antonin, leur cousin germain  "un peu" alcoolique ("comme tout le monde")  pour son nième traumatisme crânien.

 

 

Edition 20h43: suppression de la majuscule à académicien (Cf. commentaires) 

Les différents visages de la vérité (2/3)

Une après midi, l’infirmière me signale que la famille de ce monsieur désire me voir.

 

Il y a sa femme, une de ses filles et le mari de cette dernière.

Sa femme est un peu perdue, elle se focalise sur des détails révélateurs de la dégradation de la situation (sa mobilité et sa conversation se limitant jour après jour, ses insomnies, sa digestion…), mais sans pouvoir discerner le gouffre dont son mari se rapproche jour après jour. Sa fille est un peu comme elle. Assez sévère, lunettes à verres rectangulaires très étroits en hauteur et à grosse monture en matière plastique orange, elle contemple un point fixe bien au dessus de mon épaule droite, ne croisant jamais mon regard. Le gendre est inquiet.

 

Ils pinaillent et sous-entendent que nous ne faisons rien pour améliorer la situation : « il marchait il y a une semaine, maintenant, il n’y arrive plus. Comment cela est possible ? Que faites-vous ?... ».

Leur ton monte insensiblement, mais il monte.

Je leur trace alors à grands traits comment j’envisage la situation, mais sans jamais employer de mots univoques.

Je veux bien endosser le rôle de Ponce Pilate, mais je ne peux laisser dire que c’est moi qui ai enfoncé les clous. J’ai aussi senti que de renvoyer les explications à plus tard, c'est-à-dire au retour du patient dans le centre chirurgical devient intenable. Mais il est clair que si je ne m’étais pas un peu senti mis en accusation, je n’aurais pas développé ainsi une partie de ma pensée.

« Son cœur est fatigué, cela explique son état actuel, la situation ne peut que se dégrader, je ne sais pas si il pourra supporter une intervention, même si son état respiratoire s’est amélioré, tout va se décider là-bas... ».

 

A ce point du récit, je vais faire une petite parenthèse.

« Cornichon », qui est loin d’en être un, a émis un commentaire qui pose de vraies questions :

 

« pourquoi ne pas lui dire la vérité à cet homme ? Ne rien dire, c'est laisser de faux espoirs à sa famille. On n'est jamais trop vieux pour comprendre son état de santé si on nous l'explique rééllement.

Pourquoi les médecins, de ville ou en hopital, ne veulent pas aborder la mort à court terme ? »

 

Je ne vais pas lancer un débat qui n’a toujours pas d’issue malgré ses 2400 ans (depuis Hippocrate et la « naissance » de la médecine occidentale). Mais « à mon époque », c'est-à-dire dans les années 90, on nous « interdisait » en fac de Médecine d’annoncer un pronostic fatal.

Principalement pour ne pas tuer l’espoir, et je pense aussi pour ne pas risquer d’acculer son patient au suicide (je me souviens que le prof nous l’avait dit). Je n’ai pas été le seul à avoir été éduqué comme cela. Ce point de vue « latin » va en contradiction totale de la façon de voir des anglo-saxons. Mais, jusqu’à présent, c’est celui qui prévaut chez nous. Je me suis assez rarement éloigné de ce « dogme » par rapport au patient lui-même. Mais parfois, lorsqu’une relation de confiance permettait ce type de discussion, et que le patient était demandeur, je n’ai jamais hésité à lui parler de sa maladie et de sa mort. Par rapport à la famille, j’ai toujours été modéré, mais je n’ai jamais hésité à leur dire le fond de ma pensée.

 

Cornichon, vous êtes en face de moi et je vous annonce posément que vous allez mourir sans aucun espoir de guérison et dans de brefs délais. Comment allez vous réagir ? Et savez vous ce que je vais ressentir en vous annonçant cela ? En cas de « miracle » ou d’erreur d’appréciation de ma part, comment allez vous me considérer à la sortie du cauchemar où vous pensiez mourir avant peu ? Et enfin, est-ce que votre soucis de vérité englobe la description de votre agonie ?

Je suis un peu caricatural, mais c’est à dessein, pour vous faire ressentir la situation.

Où est l’humain ?

Pas forcément toujours dans la vérité aveuglante, comme il est si facile de le dire entre amis à l’heure du dessert.

Je le sais, je l’ai maintes fois expérimenté.

 

Revenons à l’histoire.

Ces gens sont donc tiraillés entre le désir et la crainte de savoir.

Je leur ai fait entrevoir la gravité de la situation, sans jamais prononcer les mots qui font peur. J’ai senti que le moment n’était pas encore venu.

Après ma conversation avec eux, j’ai appelé un de mes collègues, un ami de toujours pour savoir ce qu’il en pensait. Il a lui aussi eu affaire à eux au cours des jours précédents, et je voulais avoir son avis.

Il a fait exactement comme moi, en noircissant le tableau par petites touches au fil des entretiens.

Ils n’ont pas encore compris, mais nous tentons de les guider précautionneusement.

Notre analyse de la famille et de la situation est la même.

 

Mais je ne connaissais pas encore la deuxième fille.

12:20 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (6)

P. GSM

« Serais sur XXX le dimanche 28 janvier si tu es libre un moment dis moi bises à toi »

 

SMS reçu de P. la blonde, celle des « figues fraîches ».(ici ici et ici)

Comment fait-elle à chaque fois pour descendre me voir  le jour où Sally est en vadrouille avec les enfants ?