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08/03/2007

La grande improvisation.

Je lis actuellement « La grande improvisation. Benjamin Franklin, la France et la naissance des Etats-Unis » de Stacy Schiff (chez Grasset).

 

Ce bouquin décrit l’action auprès de la cour de Louis XVI de Benjamin Franklin (séjour à Paris : 1777-1785) en faveur de la jeune république américaine (Déclaration d’Indépendance en 1776).

 

Imaginez une France encore mortifiée de la défaite de 1763 devant nos ennemis ataviques, les anglais et leurs alliés. Les finances du pays sont au bord du gouffre, et la Marine Royale anémique comparée à la « Navy »,  mais la volonté de revanche des élites est immense.

 

Survient la Déclaration d’Indépendance de 13 obscures colonies anglaises, de l’autre côté de l’Atlantique. Qui plus est, ces colonies demandent aide et assistance au Royaume par l’intermédiaire de plusieurs émissaires, dont Benjamin Franklin.

Ce dernier va s’employer à transformer le ressentiment français en aide matérielle et pécuniaire, sans pour autant vouloir quitter les bras d’un colonisateur pour se jeter dans ceux d’un autre.

Durant les premières années, Louis XVI (qui a 23 ans en 1777) va aider les insurgés le plus discrètement possible, notamment en usant d’intermédiaires privés (donc facilement jetables) dont le fameux Beaumarchais (et oui, l’auteur) et d’autres affairistes bien plus louches. La cause américaine va en effet exalter toute une jeune génération avide de gloire (par exemple Lafayette), d’argent, ou plus rarement idéaliste. Le chef d’orchestre de cette aide est son Secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères, le rusé Comte de Vergennes. L’intérêt de Versailles est multiple : faire courber l’échine de l’anglais à bon compte dans une guerre lointaine, faire voir à l’Europe que le Royaume y a encore une place centrale, ouvrir de nouvelles voies commerciales et éventuellement récupérer le Canada français perdu justement en 1763.

 

Les anglais sont eux aussi exsangues, ils ne sont pas prêts à déclarer une nouvelle guerre à la France, mai désirent bien évidemment garder leurs colonies, quittes à leur octroyer une indépendance partielle (ce que Versailles ne veut à aucun prix). L’ambassadeur du Roi George III à Paris est le vaniteux Lord Stormont.

 

Le livre raconte donc ce sulfureux ménage à trois ou  chacun ment aux deux autres pour son propre compte. Pour rajouter du piment, les émissaires américains (ils sont 3, dont Benjamin Franklin) se détestent cordialement et leur résidence à Passy grouille d’espions anglais, à la solde de Versailles, quand ils ne sont pas doubles ou triples.

 

Bon, j’avoue avoir failli abandonner plusieurs fois, tant le ton est empesé et les clins d’œil incompréhensibles à un non américain, nombreux. D’un autre côté, n’étant pas sûr de finir (174 pages sur 394), je voulais vous en parler car l’Histoire comporte quand même quelques perles qui se méritent par une lecture un peu pénible.

 

La plus belle de toute est la rencontre de Benjamin Franklin et d’un Voltaire vieillissant.

Le premier va demander au second de bénir son petit-fils (qu’il avait emmené à Paris avec lui). Et le second va le faire en disant ces quatre mots : « Dieu et la Liberté ». Comme l’auteur le souligne, ce geste est curieux de la part d’un rationaliste anticlérical et d’un agnostique confirmé, mais logique puisqu’ils sont en définitive « coreligionnaires ».

Les autres perles découlent du contraste frappant entre les fastes décadents de l’Ancien Régime et l’austérité des représentants américains qui sont souvent imprimeurs (métier initial de Benjamin Franklin), serruriers, petits exploitants agricoles.

 

Un témoin raconte l’arrivée de ses derniers, et notamment Benjamin franklin à Versailles : « On l’aurait pris pour quelque gros fermier, tant était violent le contraste avec les autres diplomates, tous poudrés, en grande tenue et couverts d’or et de rubans ».

 

Les Nobles sont stupéfaits par la volonté des américains de travailler et de faire du commerce. Le mot « industrie » n’acquiert d’ailleurs sa signification actuelle qu’à cette époque, ce qui a posé des problèmes à Benjamin Franklin pour traduire certains textes de l’anglais au français.

Ces mêmes nobles se voient demander la profession de leur père quand ils débarquent en Amérique.

 

Les émissaires effarés, descendants des puritains du Mayflower sont invités dans des soirées somptueuses par des trios : mari, femme et amant déclaré, dont il n’est pas rare que ce dernier soit un Evêque et qu’il rétribue le premier pour les faveurs de la seconde.

 

L’abbé Raynal, turbulent personnage bien connu de la Cour dînait un soir avec les américains. Il leur exposait doctement qu’ils étaient des êtres inférieurs, des avortons sortis d’un pays obscur et dégénéré. Benjamin Franklin fit alors lever tous les convives pour « voir de quel côté la Nature avait dégénéré ». Tous les « avortons du Nouveau Monde » dépassaient d’une large tête leurs hôtes français.

« Il existe des exceptions » concéda avec peine l’Abbé.

 

L’incompréhension mutuelle entre France et Etats-Unis ne date donc pas d’hier.

08:20 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (1)

15/01/2007

La mort vue par…

Michel Déon.

 

«Depuis quelque temps, il m’arrive de me demander ce que serait la mort en Grèce et de ne plus lui trouver le même néant désespéré. Je regarde les cimetières clos de murs chaulés, piquetés de cyprès, gardés par une chapelle immaculée. Tous sont beaux. Tous dorment sous un ciel divin. Tous regardent la mer. La mort y paraît moins aride, moins brutale. Ce n’est pas possible qu’elle soit ici la chute atroce dans le vide que j’imaginais ailleurs. Quelque chose de cette terre doit retenir prisonnières les âmes. Il ne peut pas être dit que l’on quitte ces rives pour toujours. J’aime à tout le moins croire qu’on les quitte lentement, que les corps pourrissants conservent jusqu’à la dernière poussière un peu d’une âme qui regrette infiniment le sel de la vie…»

 

Michel Déon

« Le balcon de Spetsai » dans les « Pages grecques ».

Editions Gallimard.

21:10 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (1)

11/11/2006

Watch the borders !

medium_Hoover_Tolson.jpgJe lis actuellement le bouquin que Marc Dugain a consacré à John Edgar Hoover, qui a régné sur le FBI durant près de 50 ans (« La malédiction d’Edgar »).

 

Le récit est passionnant, et à la manière de « American tabloïd » de James Ellroy, il démonte le mythe des années Kennedy.

Il démontre la toute puissance d’un homme qui a créé le FBI et s’en est servi comme instrument pour rester en place.

JE Hoover a combattu férocement le communisme et tout ce qui lui semblait « immoral » (dont l’homosexualité, alors que lui-même l’était probablement) tout en négligeant le crime organisé.

Ce despote terrorisait ses subordonnés, et l’anecdote que rapporte Wikipedia est assez représentative.

Il avait l’habitude d’annoter les mémos de ses hommes dans la marge. Un jour, trouvant cette dernière trop étroite, il annota un rageux « Watch the borders ! », « Attention à la marge ! ».

Mais en anglais, « borders » signifie aussi frontières. Ses collaborateurs crurent que c’était une consigne ferme et n’osant pas lui demander pourquoi ce tel ordre qui n’avait rien à voir avec le mémo en question, ils envoyèrent durant une semaine des patrouilles le long des frontières canadienne et mexicaine !

12:05 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (0)