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25/04/2006

La double vie de Vermeer

J’ai attaqué hier au soir un petit bouquin très intéressant.

 

« La double vie de Vermeer » de Luigi Guarnieri (Ed. Actes Sud) raconte l’incroyable histoire d’un faussaire de génie qui a su dans les années 30-40 peindre des Vermeer mieux que le Maître lui-même. Curieux, mais c’est ainsi.

 

Hans van Meegeren (c’est son petit nom) a ainsi peint un « Souper à Emmaüs » que les experts de l’époque ont jugé comme étant la plus grande œuvre de Vermeer à cette date. Il a mis quatre ans pour forger ce faux parfait à partir de pigments naturels, d’une toile du XVIIème, de différentes huiles et essences.

Il a effectué d’innombrables essais avant de « cuire » la toile afin de la vieillir artificiellement, sans pour autant la cramer.

 

Il a même réussi à escroquer la pire crapule de l’époque, le Reichsmarschall Göring en personne. Jeux dangereux et lucratif, mais son but n’était pas là.

 

Tout ce qu’il voulait, c’était ridiculiser le plus grand expert de Vermeer de l’époque, le Docteur Abraham Bredius, qu’il haïssait.

En effet, van Meegeren était un peintre « raté », bon technicien, mais éreinté par les critiques d’art de l’époque (dont Bredius). Il était tellement aigri qu'il se faisait un plaisir de coucher avec leurs épouses!

 

Il a donc créé une toile qui n’existe pas, mais qui aurait du.

 

Je m’explique : une trentaine de toiles de Vermeer sont arrivées à nous. Au fil des attributions assez changeantes, ce chiffre est monté jusqu’à 66. En effet, l’attribution d’une toile ne se faisait quasiment qu’au coup d’œil, l’analyse scientifique étant limitée à l’époque (rayons X et microscope). Autrement dit, Bredius et ses confrères faisaient la pluie et le beau temps, la fortune ou la décrépitude de tout vendeur d’un potentiel Vermeer.

 

Bredius a toujours affirmé (sans en avoir la preuve) que Vermeer a peint des sujets religieux (comme tous les peintre de l’époque). Malheureusement, à ce jour, aucune toile ouvertement « religieuse » n’était ressortie des greniers.

Qu’a cela ne tienne, van Meegeren allait lui offrir ce qu’il voulait : un Vermeer religieux.

 

Bon, je ne connais pas bien la suite, car je suis à la moitié de ma lecture.

Mais ce bouquin alimente une question qui m’a toujours interpellée (encore plus après ma visite à la Fondation Maeght) : qu’est-ce qui fait qu’une œuvre devient une œuvre d’art, voire un chef d’œuvre ?

 

Vermeer est mort dans une misère noire en 1675, et ses toiles ne se sont vendues qu’à partir du milieu du XIXème. Tout cela parce qu’une poignée d’hommes se sont dit que ce peintre avait un talent hors du commun.

Un auteur français a aussi participé au « mythe » Vermeer : Marcel Proust et son « petit pan de mur jaune » de la « Vue de Delft ».

Je ne résiste pas de vous donner un extrait de « A la recherche du temps perdu » (que je n’ai jamais lu, ni probablement ne lirai) et un lien ou vous pourrez admirer ce (vraiment tout petit) pan de l’histoire de l’Art.

Enfin, Proust s'était tellement identifié à son personnage (l'écrivain Bergotte), qu'il fît un malaise devant la "vue de Delft", exposée pour un temps à Paris!

 

   

La mort de Bergotte

 

 

Il mourut dans les circonstances suivantes : une crise d'urémie assez légère était cause qu'on lui avait prescrit le repos. Mais un critique ayant écrit que dans la Vue de Delft de Ver Meer (prêté par le musée de La Haye pour une exposition hollandaise), tableau qu'il adorait et croyait connaître très bien, un petit pan de mur jaune (qu'il ne se rappelait pas) était si bien peint qu'il était, si on le regardait seul, comme une précieuse oeuvre d'art chinoise, d'une beauté qui se suffirait à elle-même, Bergotte mangea quelques pommes de terre, sortit et entra à l'exposition. Dès les premières marches qu'il eut à gravir, il fut pris d'étourdissements . Il passa devant plusieurs tableaux et eut l'impression de la sécheresse et de l'inutilité d'un art si factice, et qui ne valait pas les courants d'air et de soleil d'un palazzo de Venise, ou d'une simple maison au bord de la mer. Enfin il fut devant le Ver Meer qu'il se rappelait plus éclatant, plus différent de tout ce qu'il connaissait, mais où, grâce à l'article du critique, il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu, que le sable était rose, et enfin la précieuse matière du tout petit pan de mur jaune. Ses étourdissements augmentaient ; il attachait son regard, comme un enfant à un papillon jaune qu'il veut saisir, au précieux petit pan de mur. « C'est ainsi que j'aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune. » Cependant la gravité de ses étourdissements ne lui échappait pas. Dans une céleste balance lui apparaissait, chargeant l'un des plateaux, sa propre vie, tandis que l'autre contenait le petit pan de mur si bien peint en jaune. Il sentait qu'il avait imprudemment donné la première pour le second. « Je ne voudrais pourtant pas, se dit-il, être pour les journaux du soir le fait divers de cette exposition. » Il se répétait : « Petit pan de mur jaune avec un auvent, petit pan de mur jaune. » Cependant il s'abattit sur un canapé circulaire ; aussi brusquement il cessa de penser que sa vie était en jeu et, revenant à l'optimisme, se dit : « C'est une simple indigestion que m'ont donnée ces pommes de terre pas assez cuites, ce n'est rien. » Un nouveau coup l'abattit, il roula du canapé par terre où accoururent tous les visiteurs et gardiens. Il était mort.

 

Marcel Proust: À la recherche du temps perdu. Vol. III.

19:12 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (0)

27/03/2006

L'accession au pouvoir

Je suis arrivé à la veille de la prise de pouvoir (presque) parfaitement constitutionnelle de Hitler qui eut lieu le 30 janvier 1933.

J’éprouve du mal à résumer la période qui sépare sa naissance en 1889 et cette date fatidique.

 

L’équation de son accession au pouvoir est tellement multifactorielle que je suis bien incapable d’en faire une synthèse qui ne soit pas caricaturale.

L’immense force de cet homme fut d’être illuminé, c'est-à-dire qu’il a toujours été certain de la haute valeur et de la faisabilité de ses idéaux, en dépit de tout bon sens, et de toute adversité. Aucune situation complexe, aucune impossibilité pratique ne l’a jamais arrêté.

Il a tranché tous les nœuds gordiens avec deux ou trois concepts simples répétés jusqu’à la nausée devant des foules électrisées.

 

Il n’a, à aucun moment, explicité, au cours de ses différentes campagnes électorales comment il allait arriver à réaliser ses objectifs. La réalisation pratique ne l’intéressait pas, seule l’agitation des masses et la propagande avaient de la valeur à ses yeux.

Il a su s’entourer d’hommes dévoués, qui ont su mettre en pratique ses directives, parfois nébuleuses.

  

Une phrase d’un haut fonctionnaire, citée par Kershaw, résume le fonctionnement de l’appareil hitlérien :

« Le devoir de tout un chacun est d’essayer, dans l’esprit du Führer, de travailler dans sa direction ».

  

Ne pas expliciter sa pensée, et laisser la réalisation aux autres a énormément d’intérêts : on évite les objections d’ordre pratique, et en cas d’échec, on peut faire porter la faute sur ses subalternes.

  

Qu’est-ce qu’Hitler a inventé ?

Jusqu’en 1933, pas grand-chose.

Toutes ses idées proviennent d’idéologistes nationalistes bien antérieurs à lui. Il a certes dessiné le drapeau nazi (peut-être avec l’aide d’un dentiste), mais en s’inspirant de la svatiska, symbole pluri millénaire.

Son seul apport significatif est son utilisation magistrale de la propagande à grande échelle (utilisation de l’avion pour faire ses tournées électorales, par exemple).

   

Tout le reste est difficile à exprimer.

J’ai donc repris quelques phrases de l’époque qui résument l’obscurantisme d’une population sonnée par la défaite et par la crise, et l’aveuglement des élites qui ont cru pouvoir le contrôler.

 

« Hitler n’a ni pensées ni réflexion responsable, mais il a néanmoins une idée. Il a un démon en lui. Il s’agit d’une idée maniaque d’origine atavique, qui met de côté la réalité compliquée pour la remplacer par une unité de combat primitive.

[…]

Naturellement, Hitler est un fou dangereux.

[…]

Mais si on demande comment le fils d’un petit agent des douanes de Haute Autriche en arrive à de pareilles toquades, on ne peut dire qu’une chose : il a pris l’idéologie de guerre à la lettre et l’a interprétée de manière presque aussi primitive que si l’on vivait à l’époque de la Völkerwanderung [la période des invasions barbares, à la fin de l’Empire romain]. »

Frankfurter Zeitung 26/01/1928

 

 

« Les revers économiques m’avaient fait perdre tout ce que je possédais. Au début de 1930, j’ai donc adhéré au parti national-socialiste. »

Paroles d’un militant nazi, petit commerçant ruiné.

 

« C’est nous qui l’avons engagé. »

Frantz von Papen (vice chancelier de A Hitler, conservateur non-nazi), fin janvier 1933

 

   

 

J’ai trouvé sur le net, hormis wikipedia, deux sites apolitiques totalement consacrés à Hitler.

Leur base documentaire est assez exceptionnelle.

 

http://www.adolfhitler.ws/  et http://www.hitler.org/

 

 Enfin, ici, les "25 points" du NSDAP, qui constituent la base du programme électoral du parti de Hitler.

12:25 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (3)

08/03/2006

La dame numéro 13.

J’ai terminé hier au soir ce roman de José Carlos Somoza.

J’ai été assez déçu après le magistral « Clara et la pénombre », la critique qui va suivre est donc probablement un peu dure par rapport à la valeur absolue du roman.

 

L’histoire tient en peu de mots, trois personnes tentent de lutter contre un groupe de 13 « sorcières » quasiment immortelles et inconnues de la plupart des humains. Ces dernières stimulent depuis l’aube des temps la créativité des poètes, elles sont à l’origine du mythe des muses. En fait, elles se servent de certains vers comme d’incantations magiques, souvent aux effets puissants et destructeurs. Elles ne peuvent créer ces vers, ce pourquoi elles ont besoin des poètes. En récitant un vers, elles peuvent plonger leur adversaire dans d’indicibles souffrances (elles ne s’en privent pas…).

 

Les points positifs : c’est très bien écrit, la traduction est fluide, et certaines phrases évoquent des sentiments qui me paraissent très vrais. Le texte régénère bien la tradition des sorcières, en ajoutant la petite nouveauté de la poésie destructrice.

 

Je n’ai pas pu décrocher du bouquin jusqu’à sa moitié, tant l’atmosphère dépeint bien l’angoisse des héros de retrouver ces sorcières à chaque coin de rue, alors qu’ils se débattent dans l’énigme du roman (qui sont-elles ? Qui est la mystérieuse treizième que l’on ne voit jamais ?...). Chaque rencontre se solde par un bain de sang, et des tortures toutes plus sophistiquées les unes que les autres.

 

C’est justement là que le bat blesse, et que j’ai commencé à décrocher. Je me suis vite rendu compte que le récit était une succession de scènes horribles, sans réelle articulation ou transition. Pas non plus de réflexion sous jacente. Autant « Clara » posait des questions sur l’Art, autant les « 13 dames » ne posent qu’une question : ou est la treizième ?

Question d’assez peu d’intérêt, en somme.

 

 

 

 

19:17 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (0)