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25/06/2006

Call me Ishmael.

medium_moby_dick.jpgHier, je cherchais un roman de vacances, car j’ai un mal fou à achever « LA Confidential » de Ellroy. J’ai eu le malheur d’arrêter de le lire 72 heures de suite pour mon mariage, et je me suis perdu dans l’intrigue et la myriade de personnage.

 

Hier, Moby Dick m’a fait de l’œil et m’a choisi.

Il s’agit de la version « Armel Guerne » aux Editions Phébus ; a priori le meilleur texte français que l’on puisse trouver (selon les mots mêmes de Armel Guerne qui réfutait le terme de traducteur).

Comme ça, je fais le malin, mais je n’avais jamais entendu le nom d’Armel Guerne jusqu’à hier soir 18 heures.

 

Jean-Pierre Sicre (jamais entendu parlé non plus), des Editions Phébus a écrit une superbe introduction, centrée justement sur le problème des traductions.

 

Moby Dick a donc été traduit en trois versions françaises, dont celle d’Armel Guerne et une à laquelle a collaboré Jean Giono.

 

Armel Guerne a passé 1 mois entier à traduire la première phrase qui ne comporte pourtant que 3 mots simples : « Call me Ishmael. ».

Il l’a traduit par « Appelons-nous Ismahel. »

 

La traduction de Giono en fait deux phrases : « Je m’appelle Ishmaël. Mettons. »

La traduction la plus « universitaire » (c’est quasiment une insulte pour Armel Guerne) est la plus conventionnelle : « Appelez-moi Ismaël. »

 

Vous remarquerez aussi les changements dans l’orthographe du prénom du narrateur : Ishmael devenu Ismahel, Ishmaël, ou encore Ismaël.

 

J’ai donc lu l’introduction hier à Sally, au lit.

Elle m’a répondu d’un prophétique : « Eh bien, ça promet ! ».

Traductions en anglais ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

07:51 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (9)

14/05/2006

Les catilinaires

Jusques à quand abuseras-tu de notre patience, Catilina ? combien de temps encore serons-nous le jouet de ta fureur ? jusqu'où s'emportera ton audace effrénée ? Quoi ! ni la garde qui veille la nuit sur le mont Palatin, ni les forces répandues dans toute la ville, ni la consternation du peuple, ni ce concours de tous les bons citoyens, ni le lieu fortifié choisi pour cette assemblée, ni les regards indignés de tous les sénateurs, rien n'a pu t'ébranler !

Tu ne vois pas que tes projets sont découverts ? que ta conjuration est ici environnée de témoins, enchaînée de toutes parts ? Penses-tu qu'aucun de nous ignore ce que tu as fait la nuit dernière et celle qui l'a précédée ; dans quelle maison tu t'es rendu ; quels complices tu as réunis ; quelles résolutions tu as prises ?

 

O temps ! ô moeurs ! tous ces complots, le Sénat les connaît, le consul les voit, et Catilina vit encore ! Il vit ; que dis-je ? il vient au sénat ; il est admis aux conseils de la république ; il choisit parmi nous et marque de l'oeil ceux qu'il veut immoler. Et nous, hommes pleins de courage, nous croyons faire assez pour la patrie, si nous évitons sa fureur et ses poignards ! Depuis longtemps, Catilina, le consul aurait dû t'envoyer à la mort, et faire tomber ta tête sous le glaive dont tu veux tous nous frapper. Le premier des Gracques essayait contre l'ordre établi des innovations dangereuses ; un illustre citoyen, le grand pontife P. Scipion, qui cependant n'était pas magistrat, l'en punit par la mort. Et lorsque Catilina s'apprête à faire de l'univers un théâtre de carnage et d'incendies, les consuls ne l'en puniraient pas ! Je ne rappellerai point que Servillus Ahala, pour sauver la république des changements que méditait Spurius Mélius, le tua de sa propre main : de tels exemples sont trop anciens.

 

Il n'est plus, non, il n'est plus ce temps où de grands hommes mettaient leur gloire à frapper avec plus de rigueur un citoyen pernicieux que l'ennemi le plus acharné. Aujourd'hui un sénatus-consulte nous arme contre toi, Catilina, d'un pouvoir terrible. Ni la sagesse des conseils, ni l'autorité de cet ordre ne manque à la république. Nous seuls, je le dis ouvertement, nous seuls, consuls sans vertu, nous manquons à nos devoirs.

Cicéron. Extrait de la première Catilinaire.

A méditer, en ces temps troublés....

 

Traduction trouvée ici.

20:30 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (0)

Enée, c ki ?

Une patiente m’a donc donné une version modernisée de l’Enéide.

Le livre a été imprimé en septembre 1965. D’un format un peu supérieur à un livre de poche, sa couverture est blanche, cartonnée, et revêtue d’une représentation d’Enée et probablement de sa mère, Vénus. Le dessin sent bon les années 60, à défaut du bouquin qui sent, lui le vieux tabac (la patiente, multi-pontée des jambes est une fumeuse invétérée).

Le texte, sent lui aussi les années 50-60.

G. Chandon (je n’ai trouvé son prénom nulle part, peut-être ses parents l’ont nommé tout simplement « G » ??) note dans sa brève notice que

« Il nous est apparu que la jeunesse aurait profit, avant même que d’aborder l’étude des Classiques, à s’imprégner de ces récits héroïques où les Dieux et les Hommes voisinent dans une pittoresque simplicité ; et que les esprits de notre temps, comme ceux de tous les temps passés ou à venir, ne pouvaient que gagner à se familiariser, dès leur aube, avec les héros du grand Virgile. »

Phrase bien plus antique à mes yeux que les vers de Virgile.

Tout y est : de multiples virgules, quatre verbes conjugués et un point-virgule ; témoins d’une phrase longue inconcevable au temps du SMS et des phrases concises (j’ai failli taper « pensée concise »…).

En langage SMS, avec des pouces de compétition (313 caractères, avec les espaces) et avec un forfait platine, cela pourrait donner :

« i nou est apparu ke la jeunS orè profit, avan mem q dab0rdé létud d ClaSiques, @ simprégner d c résits hér0ïqus où les dieu i lè homm vwas1ent dan 1 pitoresqu simplicité ; e k' lé esprits 2 n0tr temps, co seu 2 ts ls tan passés ou @ vni, n pouvèe k ganier @ s familiariser, dé leur 0b, ave les hér0s du grd VirJle »

Le ton paternaliste et moralisateur me parait aussi incroyablement archaïque, bien qu’écrit il y a moins de 50 ans.

Ce qui détonne aussi, c’est le principe que ce qui a été, est et sera bon. Cela parait presque incroyable à notre époque d’incertitude, ou même ce qui vient juste d’être est déjà dépassé.

Etonnant aussi, cette notion acceptée que Virgile fasse partie des « classiques ». Aujourd’hui, ce serait plutôt Pierre Perret (Dan Brown dans 20 ans ?).

Même le non-dit date cet ouvrage.

Dans le texte original, Didon et Enée couchent ensemble dans une grotte, alors qu’ils ne sont même pas mariés (quelle horreur !!!) :

Didon et le chef des Troyens aboutissent dans la même grotte.
En premier lieu, Tellus, et Junon, qui préside aux hymens,
donnent le signal; les éclairs et l'éther complice ont brillé
pour les noces, et en haut de la grotte, les Nymphes ont hurlé.
Ce jour-là fut le premier qui causa sa mort et ses malheurs;
en effet, ni souci des apparences ni réputation ne lui importent,
et Didon désormais n'envisage plus des amours furtives :
elle parle de mariage, couvrant sa faute de ce nom.
(IV 165-172).

Heureusement, pour les yeux innocents de « la jeunesse », G. Chandon a totalement expurgé ce passage, certes pas très torride, mais moralement « sensible » il y a bien bien longtemps!

La suite du texte antique est même plus actuelle que la version « ad usum delphini » du brave G. Chandon.:

Aussitôt, la Renommée parcourt les grandes villes de Libye,
la Renommée, de tous les maux le plus véloce :
la mobilité accroît sa vigueur et la marche lui donne des forces;
petite d'abord par peur, elle s'élève bientôt dans les airs,
et, tout en foulant le sol, tient la tête cachée dans les nuages.
La Terre sa mère, par colère contre les dieux, l'a mise au monde
pour donner, selon la légende, une dernière soeur à Céus et Encélade;
rapide car dotée de pieds et d'ailes agiles, monstre horrible,
gigantesque; autant porte-t-elle de plumes sur son corps,
autant possède-t-elle sous ces plumes d'yeux vigilants (étonnant à dire !),
autant de langues, autant de bouches sonnantes, autant d'oreilles dressées.
La nuit, elle vole entre le ciel et la terre, grinçant dans l'ombre,
et ne ferme point les yeux pour se livrer au doux sommeil;
Le jour, elle guette, postée au sommet d'un toit
ou sur de hautes tours, et sème la terreur dans les grandes cités,
opiniâtre messagère d'inventions, de faux et de vérité.
Elle se plaisait à répandre partout les propos les plus divers,
et diffusait tout à la fois ce qui était et ce qui n'était pas arrivé :
Énée, un homme né de sang troyen, est arrivé,
et la belle Didon ne dédaigne pas de s'unir à lui;
maintenant, ils jouissent ensemble du long hiver, dans le luxe,
oublieux de leurs royaumes, et prisonniers d'une passion honteuse.
(IV 173-194).

Remplaçons « grotte » par cave, « Renommée » par portable/SMS et « royaumes » par quartiers, et l’on se retrouve avec une poignante histoire de banlieues, bien dans l’air du temps et surtout pleine d’émotion (très important) et prête à faire 4 pages dans VSD.

L’histoire n’est qu’un éternel recommencement !

   

Traduction trouvée ici.

19:10 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (4)