06/08/2006
100 poèmes expliqués par la nourrice
Ashibiki no
Yamadori no o no
Shidari o no
Naganagashi yo o
Hitori ka mo nen
Durant cette nuit longue, longue
Comme la queue tombante
Du faisan doré
Qui traine ses pas,
Dois-je dormir solitaire ?
*****
Tanka tiré de « Hokusai cent poètes » de Peter Morse, Ed. Anthèse.
Illustration trouvée ici.
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31/07/2006
"La Richmobile" suite et fin
Deuxième partie de l'extrait de la note précédente.
Bonne lecture!
"Sally commençait à perdre patience face à mon obsession. « par pitié, tu n’as qu’à aller l’essayer, et si la bagnole te plaît, tu l’achètes », m’a-t-elle dit. (Elle a une Ford Escort, elle en change tous les trois ans après un coup de téléphone de deux minutes à son concessionnaire, et n’y pense plus.) Je suis donc allé faire un essai. Et, naturellement, la bagnole m’a plu. J’ai adoré la conduire. Elle m’a totalement séduit, enchanté. Mais, j’ai dit au vendeur que j’avais besoin de réfléchir. « Pourquoi as-tu besoin de réfléchir ? m’a demandé Sally quand je suis rentré à la maison. Elle te plaît, tu as les moyens de te l’offrir, pourquoi ne pas l’acheter ? » La nuit porte conseil, ai-je dit. Ce qui signifiait, bien entendu, que j’ai passé une nouvelle nuit blanche, à me torturer. Le lendemain matin, au petit déjeuner, j’ai annoncé que ma décision était prise.
- Ah, bon ? a dit Sally sans lever les yeux, plongée dans la lecture de l’Independent. Laquelle ?
- J’ai décidé d’y renoncer. Même si mes scrupules sont complètement irrationnels, ils ne m laisseront jamais en paix, mieux vaut donc que je ne la prenne pas.
- D’accord. Quelle voiture vas-tu acheter à la place ?
- En réalité, je n’ai aucun besoin d’en acheter une. Celle que j’ai peut parfaitement me faire encore un an ou deux.
- Très bien, a conclu Sally.
Mais elle semblait déçue J’ai recommencé à me tourmenter, à douter d’avoir pris la bonne décision.
Au bout de deux ou trois jours, je suis passé devant le magasin d’exposition et la voiture avait disparu. Je suis entré et j’ai sauté sur le vendeur. Je l’ai pratiquement arraché à son fauteuil en le tenant aux revers de sa veste, comme on voit dans les films. Quelqu’un d’autre avait acheté mon auto ! Je ne pouvais pas le croire. J’avais l’impression qu’on avait enlevé ma fiancée la veille du mariage. J’ai clamé que je voulais cette voiture. Il me fallait cette voiture. Le vendeur m’a dit qu’il pouvait m’en procurer une dans un délai de deux ou trois semaines mais, après vérification sur son ordinateur, il n’en existait pas de modèle identique, de la même teinte, sur notre territoire. Ce n’est pas l’une de ces marques japonaises qui ont ouvert des usines en Grande-Bretagne ; celle-ci est importée du Japon autant que le permettent les quotas. Il s’en trouvait une, m’a-t-il informé, à bord d’un porte conteneurs quelque part en haute mer, mais la livraison n’aurait pas lieu avant deux ou trois mois. En résumé, j’ai fini par allonger mille livres de plus que le prix établi afin de doubler le misérable qui venait d’acheter ma voiture.
Jamais je ne l’ai regretté."
…
18:30 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (4)
« La Richmobile »
"Thérapie", mon bouquin fétiche (vous devez commencer à le savoir...) est sorti en 1996. Pour fêter son anniversaire je vais vous livrer un de mes extraits favoris. Comme c'est un peu long, premier extrait aujourd'hui, le second ce soir ou demain....
"J’en suis tombé amoureux dès que je l’ai vue, garée devant le magasin d’exposition, basse sur roues, des lignes fluides, sculptée dans une brume ou filtrait le soleil, aurait-on dit, un gris argenté très très pâle, à l’état nacré. Je m’inventais sans cesse des prétextes pour passer devant le magasin d’exposition afin de pouvoir la contempler de nouveau, et chaque fois j’avais la même bouffée de désir. Je suis sûr que je n’étais pas le seul, moin de là, mais à la différence des autres, je savais que je pouvais entrer dans le magasin et acheter cette automobile sans même me demander si j’en avais les moyens. Pourtant, j’hésitais et je ne le faisais pas. Pourquoi ? Parce que, à l’époque où je ne pouvais pas m’offrir une telle voiture, je réprouvais ces voitures là : rapides, tape-à-l’œil, gaspilleuses d’énergie… et japonaises. Jamais je n’achèterais une auto japonaise, déclarais-je, moins par patriotisme économique (je prenais des Fords qui se révélaient en général avoir été fabriquées en Belgique ou en Allemagne) que pour des motifs sentimentaux. Je suis assez vieux pour me souvenir de la Seconde Guerre mondiale, et un oncle à moi, prisonnier de guerre, avait été tué lorsqu’il travaillait au Siam sur les chemins de fer. Il m’arriverait malheur, me semblait-il, si j’achetais cette voiture, ou tout au moins je culpabiliserais et je serais malheureux quand je la conduirais. N’empêche que je la convoitais. C’est devenu l’un de mes « dadas »-sur lesquels je ne parviens pas à prendre une décision, que je ne peux pas chasser de mon esprit ni laisser de côté. Les dadas qui sont là à me tourmenter quand je me réveille au beau milieu de la nuit.
J’ai acheté toutes les revues spécialisées dans l’espoir de tomber sur une critique désastreuse de cette voiture qui me permettrait de renoncer à l’acheter. Des clous ! Certains comptes rendus d’essai sur route étaient un peu condescendants-« propre », « docile », et même « insondable » figuraient parmi les qualificatifs- mais on voyait bien que personne ne trouvait de reproche à lui faire. J’ai à peine fermé l’œil pendant toute une semaine, à chevaucher mon dada. Le croiriez-vous ? Pendant que la guerre dévastait la Yougoslavie, que le SIDA exterminait les gens par milliers en Afrique, que les charges de plastic explosaient en Irlande et que les statistiques du chômage se dégradaient inexorablement en Grande-Bretagne, la seule pensée qui m’occupait, c’était de savoir s’il fallait ou non acheter cette automobile."
...
Thérapie.
David Lodge
Ed. Rivages poche/Bibliothèque étrangère
13:40 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (0)