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20/11/2006

Le choix.

medium_surgeon.2.jpgDe garde ce soir. C’est calme (à 21h00...). Sauf une patiente qui vient de sortir du bloc après des pontages aorto-coronariens. Soixante mm Hg de pression systolique, une hémoglobine à 79g/l et sur l’ECG une ischémie étendue à presque tous les segments alors qu’elle est encore hypotherme (qu’est-ce que ça va être quand elle va se réchauffer ?). Assez jeune, pas d’antécédents lourds, pas de difficulté technique majeure (c’est une première intervention). Sa seule malchance, le chirurgien qui l’a opérée.

Je me faisais justement cette réflexion au pied du lit lorsqu’un médecin généraliste m’appelle car il est en difficulté au domicile d’un patient qui a été opéré il y a 2 semaines par….le même chirurgien.

Le hasard n'existe pas.

21:09 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (15)

18/11/2006

Un autre monde.

medium_marbella.jpgLa veille de ces histoires bien désagréables, j’ai rencontré un patient assez hors du commun.

Costume de prix, cravate Hermès rouge, il a la cinquantaine.

 

Je m’attendais à un simple ECG pour l’obtention d’un prêt, mais son histoire est plus compliquée.

 

Cet homme d’affaire espagnol est coronarien depuis 12 ans, on lui a proposé de se faire ponter en Espagne il y a quatre ans.

Il est très occupé, et les cardiologues n’ont pas insisté, peut-être devant une indication limite.

Depuis, il ne se fait pas du tout suivre, et il prend ses médicaments épisodiquement (notamment son aspirine…).

 

On discute un peu.

Ses affaires couvrent la cryogénisation d’ADN, les casinos sur le web, les télécoms, et probablement plus.

Il a des affaires en France, et à Las Vegas, Marbella, Barcelone...

Il parle français quasiment sans accent et connaît même quelques mots d’argot.

Sa femme, ancienne recrue de la sécurité intérieure cubaine était chargé de le surveiller lors d’un voyage d’affaire à La Havane.

Son beau-père est un général proche du pouvoir cubain.

Son tabagisme se limite à 1-2 cigares par-ci par là, du premier choix, bien évidemment.

 

Il a perdu beaucoup d’argent là-bas, à cause de la faible solvabilité du pouvoir, quelques millions, mais il ne semble pas en avoir trop souffert.

Sa vision des choses est étonnante, il voit tout par le prisme du bizness : il estime la potentialité pécuniaire de tout ce qui l’entoure.

N’ayant pas de sécu française, il s’apprêtait à me payer en sortant une grosse liasse de billets.

Je lui dis qu’il me payera tout après l’épreuve d’effort de lundi.

Cet examen ayant toutes les chances d’être positif, j’espère que tout se passera bien…

Sinon,  je vais serrer les fesses chaque fois que je vais  mettre  le contact de  ma voiture!

14:15 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)

17/11/2006

Post mortem.

Ce qui m’a le plus choqué dans cette histoire, n’est pas tant la brutalité du décès (c’est le lot quotidien des cardiologues), ni l’aspect du mort (la mort fait partie de la vie de tout médecin), mais qu’il soit mort à l’extérieur. Cela peut paraître curieux, mais ce détail n’en est pas un pour moi. Je n’ai jamais fait de SAMU/SP. Tous mes morts, et il y en eu, l’ont été dans une chambre, le plus souvent dans un lit. De même, ils portaient dans la plupart des cas une chemise d’hôpital, ou une chemise de nuit. Là, ce mort en civil et en liberté m’a impressionné. Je ne reconnaissais pas mon environnement familier et rassurant, penché sur ce corps entre deux carrosseries et sous une pluie battante.

J’ai même envisagé (maintenant ça me fait sourire) d’appeler la Police, tant cette mort me semblait inhabituelle. Pourtant, médicalement, elle ne l’était pas. Heureusement que je ne l’ai finalement pas fait, j’imagine avec gène ce que j’aurais pu dire à mon interlocuteur.

   

 « Un de mes patient est mort dans le parking de la clinique

Sa mort vous semble naturelle ?

Oui, il était très grave Alors pourquoi vous nous appelez-nous ?

Ben, parce qu’il n’était ni dans son lit ni en pyjama… »

 

  Il m’aurait pris pour un fou, incapable de comprendre l’importance du rituel qui entoure la mort à l’hôpital. On ne devrait mourir que subitement dans un lit, et en pyjama. C’est pourquoi je hais toute violence, qu’elle soit routière, guerrière ou autre et toute forme d’agonie.

    

Là, je suis en garde mais j'ai une envie poignante de serrer Sally dans mes bras.

  

°O°O°O°O°O°O°O°

 

Le dormeur du val

 

C'est un trou de verdure où chante une rivière,

Accrochant follement aux herbes des haillons

D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,

Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

 

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,

Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,

Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,

Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

 

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme

Sourirait un enfant malade, il fait un somme :

Nature, berce-le chaudement : il a froid.

 

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;

Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,

Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

 

A. Rimbaud

21:45 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (2)