07/09/2006
Le petit homme gris.
Je l’ai croisé un peu plus tôt dans la journée dans les couloirs, alors qu’il allait faire installer sa ligne téléphonique au standard.
Il boite lentement en longeant un des murs du trop long couloir pourtant vide.
J’ai lu dans la feuille de transmission qu’il avait une pathologie générale, avec une atteinte cardiaque. Médiane de survie d’environ 12 mois.
Il a 65 ans.
Je rentre dans sa chambre et lui parle de l’épreuve d’effort du lendemain.
Il lève des yeux fatigués qui éclairent vaguement son visage osseux grisâtre et me dit qu’il ne pourra probablement pas la faire.
J’oublie ce qu’il a et le « secoue » un peu en lui disant que des patients bien plus âgés et fatigués que lui la font sans problème.
J’avais encore l’esprit grisé par cette mamie se croyant clouée au lit et que j’ai réussi à remettre sur pieds à force de persuasion. Mais la vieillesse n’est parfois pas aussi incurable que certaines maladies.
Je me rends compte de mon énormité : on s’adaptera à son rythme, pas plus, et il fera ce qu’il pourra. On s’adaptera, répété doucement, écrasé par la gêne.
En fin de journée, quand l’empathie se craquelle sous les coups de la répétition, je suis parfaitement capable de telles maladresses.
On parle de son métier, il est photographe « généraliste » et a enseigné aux Beaux-Arts.
Sa table de nuit supporte trois bouquins dont je n’ai jamais entendu parler.
« Vous ne connaissez pas XXX ?? »
Avec un certain étonnement dans la voix. L’étonnement modeste d’un homme cultivé qui n’imagine pas que l’on ne puisse pas connaître ce qui lui est naturel.
Il remarque que ses capacités physiques se sont effondrées depuis un an.
« J’ai pris ma retraite à cette époque, de toute façon, je ne pouvais plus ».
Sa maladie n’a été diagnostiquée que très récemment, maintenant il sait que sa vie est bornée par les médecins comme une vigne maladive par une clôture de palis.
« Connaissez vous cette épitaphe, rédigée sur une tombe toute simple :
-F. DUPONT. Ceci marque la fin de la première partie de ma vie- ?».
« J’espère aussi que ceci marquera le début de la deuxième partie de ma vie, j’ai d’autres désirs.».
« Il n’y a pas de raison », alors que mon regard fuit vers la fenêtre de sa chambre.
« A demain ».
Image tirée d'ici.
19:30 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (2)
03/09/2006
Le Takotsubo.
C’est le nom d’un piège à poulpes utilisé depuis des temps immémoriaux au Japon.
C’est aussi depuis peu (depuis les années 1990-2000), le nom d’une dysfonction ventriculaire gauche transitoire de cause pour l’instant inconnue.
Comme vous pouvez le voir sur les photos, les similitudes sont frappantes entre la ventriculographie d’un cœur ayant présenté ce syndrome, et ce fameux piège à céphalopodes.
Cette dysfonction, parfois mortelle, survient souvent dans un contexte de stress intense (perte d’un conjoint, tremblement de terre au Japon…). D'ou le nom qu'on lui donne parfois, le "Broken-Heart Syndrome"
L’hypothèse qui prime pour l’instant est un spasme coronaire macro et micro circulatoire secondaire à une hyperadrénergie brutale (l’adrénaline étant justement un des médiateurs des stress intenses).
J’ai trouvé ces critères (dits « de la Mayo Clinic") dans cet article de 2004 :
1. Transient akinesis or dyskinesis of the left ventricular apical and
mid-ventricular segments with regional wall-motion abnormalities
extending beyond a single epicardial vascular distribution
2. Absence of obstructive coronary disease or angiographic evidence of
acute plaque rupture
3. New electrocardiographic abnormalities (either ST-segment elevation or
T-wave inversion)
4. Absence of
Recent significant head trauma
Intracranial bleeding
Pheochromocytoma
Obstructive epicardial coronary artery disease
Myocarditis
Hypertrophic cardiomyopathy
Les 4 critères doivent être retrouvés pour pouvoir affirmer un Takotsubo.
Ce syndrome survient de manière prédominante chez les femmes (plus de 80%).
L’angor de Prinzmetal est aussi secondaire à un spasme coronaire, survenant sur un réseau sain, ou en tout cas peu pathologique.
Par contre, la dysfonction ventriculaire gauche est rare, contrairement au Takotsubo ou elle est au premier plan.
Par ailleurs, Le Prinzmetal survient principalement chez l’homme adulte fumeur, sans rapport évident avec un stress.
Donc, en somme, deux syndromes assez semblables de part leur « primum movens » (le spasme coronaire), mais au terrain, facteurs de survenue et conséquences assez différentes.
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REM : Le Takotsubo a même fait l’objet de cet article (sans jamais être cité), dans le Washington-Post.
14:00 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (12)
28/08/2006
C’est la saison des…
recommandations en cardiologie !
Celle sur l’anticoagulation de la fibrillation auriculaire a le mérite de simplifier la prise en charge :
Pas de facteur de risque | Un seul facteur de risque modéré (âge 75 ans, insuffisance cardiaque, HTA, FEVG = 35% ou diabète | > 1 facteur modéré ou au moins un facteur majeur (AVC, AIT, embolie, RM, prothèse valvulaire) |
Aspirine 81-325 mg | Aspirine 81-325 mg ou AVK INR 2 à 3 | AVK INR 2 à 3 |
Recommandations ESC/AHA/ACC récupérées sur l’excellent theheart.org
11:30 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (7)