17/09/2008
Recherche de facteurs de risque cardiovasculaire.
FRCV en abréviation non usuelle.
J’ai eu récemment une demande d’examen assez irritante, mais tellement révélatrice.
Nous sommes au CHU, temple de la médecine en France, où de purs esprits médicaux se battent contre les formulaires bleus et roses à petits pois et des brancardiers pour tenter de soigner du mieux qu’ils peuvent leurs patients.
La demande d’examen disait :
« Doppler des membres inférieurs.
Patiente parkinsonienne, découverte de lacunes cérébrales.
Recherche de FRCV. »
Or, les infirmières du service des explorations vasculaires avaient marqué « echodoppler veineux des membres inférieurs » comme examen à pratiquer à cette pauvre dame.
J’appelle l’interne du service, déjà résigné avant de prendre le combiné gras du téléphone sans fil du service.
Je n’ai pas été déçu.
Je tombe sur un interne visiblement étranger, et pas uniquement aux affaires, comme le disait ce bon Clemenceau.
Il m'a expliqué ce que voulait dire "FRCV". En fait, donc, il voulait un doppler artériel des membres inférieurs pour avoir une idée du statut cardiovasculaire de la patiente.
Curieux.
L’examen était normal. Ce qui n’est pas très étonnant chez une patiente d’une cinquantaine d’années, sans antécédent, non diabétique et qui ne fume pas.
Qui donc, par définition, ne possède pas de « FRCV »
Et un doppler pour rien, un ! (EDQM001, 75.60 euros).
Dans le privé, c’est l’appât du gain qui nous fait creuser la tombe de la sécu. Dans le public, l’absence de formation et d’encadrement d’un personnel qui pourtant prescrit des médicaments (j’en frémis) et des examens au quotidien.
Il y a quelques années, avec des collègues, nous rigolions en imaginant nos infirmières obligées d’acheter un « Cardiology for Dummies » pour les nouveaux internes étrangers aux affaires, et un guide Berlitz différent à chaque début de choix.
Ce n’est plus une plaisanterie de mauvais goût, mais parfois une réalité.
Les médecins étrangers sont admirables car malgré de nombreuses avanies parfois frontales, parfois non, ils continuent à palier l’impéritie de notre système de santé public.
Le drame est que personne ne les forme ou les encadre correctement au sein même de leurs services.
Le médecins étrangers sont parfois, ce qu’étaient parfois aussi, les résidents, rebaptisés internes de médecine générale dans les services de CHU/CHG, il y a quelques années : taillables et corvéables à volonté, ils n’obtiennent que des miettes d’une formation clinique pourtant parfaitement légitime. Ce phénomène est très hétérogène. En général, il touche principalement les services spécialisés des CHU/CHG menant à une pratique rude et/ou peu rémunératrice, donc désertés par les internes issus de nos facultés. Allez savoir pourquoi?
Et pendant tout ce temps, que font nos purs esprits au lieu de former correctement leurs internes en médecine générale (ou spécialisée) étrangère/internes étrangers en médecine générale (ou spécialisée)/internes étrangers à la médecine générale (ou spécialisée)... ?
13:24 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (5)
14/09/2008
Akira Endo.
Ce chercheur de 74 ans vient de remporter le très prestigieux « Lasker~DeBakey Clinical Medical Research Award » 2008 pour avoir un des premiers à travailler dans les années 70 sur ce qui allait devenir les statines. L'an dernier, ce prix avait récompensé deux autres pionniers dans le domaine cardio-vasculaire, plus précisémment le développement des prothèses valvulaires cardiaques, le français Alain Carpentier et Albert Starr.
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L’article du Washington Post qui en parle.
Un article de Wikipédia sur Akira Endo.
Une page consacrée à Akira Endo sur le site web de « The Lasker Foundation ».
08:36 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)
13/09/2008
L’épine dans la chair.
Le chemin de Damas, par Gustave Doré.
Voilà un article qui ne fait pas avancer la science, mais que j’ai trouvé intéressant et enrichissant.
L’auteur s’interroge mi-sérieusement sur l’hypothèse que la très fameuse « Epine (ou écharde) dans la chair » (2 Corinthiens 12:7) de Saint Paul était en fait une épilepsie.
C’est déjà drôle car on parle d’épine irritative en épileptologie (est-ce un hasard ?).
En lisant cet article, j’ai appris que l’épilepsie était appelée par les romains « morbus insputatus », la maladie devant laquelle on crache, car il était d’usage de cracher devant un épileptique afin, peut-être d’en « conjurer la contagion », comme le précise René Soulayrol.
Or, justement, dans son épître aux Galates, Saint Paul précise : « et, en votre épreuve dans ma chair, vous n’avez pas eu de mépris ni craché, mais vous m’avez accueilli comme un messager d’Elohîms, comme Iéshoua‘, le messie. » (Galates 4 :14).
Je suis allé chercher cette version, dite d’« André Chouraqui », afin de faire apparaître le mot « craché ». Mais on peut y voir une allusion au « morbus insputatus ».
René Soulayrol précise toutefois que l’épilepsie n’avait pas l’apanage d’être une maladie faisant cracher les autres au temps des romains. J’essaye d’imaginer un tuberculeux cracheur à Subure, au temps de la République. Au bout de quelques semaines, tout le quartier crache, entre les contaminés et ceux qui ont peur de l’être…
Plus intéressant, l’auteur précise que la stimulation de certaines régions cérébrales spécifiques pouvait conduire à un état d’extase, au sens religieux du terme.
Les symptômes observés étant : sensation de lévitation et « impression de bonheur ineffable et d’union avec un être supérieur » (face interne lobe temporal), abolition des frontières entre le soi et le non soi (inhibition des zones pariétales).
Saint Paul ne dit pas autre chose :
1 Il faut se glorifier... Cela n'est pas bon. J'en viendrai néanmoins à des visions et à des révélations du Seigneur.
2 Je connais un homme en Christ, qui fut, il y a quatorze ans, ravi jusqu'au troisième ciel (si ce fut dans son corps je ne sais, si ce fut hors de son corps je ne sais, Dieu le sait).
3 Et je sais que cet homme (si ce fut dans son corps ou sans son corps je ne sais, Dieu le sait)
4 fut enlevé dans le paradis, et qu'il entendit des paroles ineffables qu'il n'est pas permis à un homme d'exprimer.
5 Je me glorifierai d'un tel homme, mais de moi-même je ne me glorifierai pas, sinon de mes infirmités.
6 Si je voulais me glorifier, je ne serais pas un insensé, car je dirais la vérité; mais je m'en abstiens, afin que personne n'ait à mon sujet une opinion supérieure à ce qu'il voit en moi ou à ce qu'il entend de moi.
7 Et pour que je ne sois pas enflé d'orgueil, à cause de l'excellence de ces révélations, il m'a été mis une écharde dans la chair, un ange de Satan pour me souffleter et m'empêcher de m'enorgueillir.
(2 Corinthiens 12:1-7, version Louis Segond)
Enfin, j’ai découvert que Sainte Thérèse d’Avila, Dostoïevski et d’autres auraient aussi souffert de ces syndromes d’épilepsie à crise extatique (ici et ici). Le web fourmille de débats passionnés sur qui était épileptique et qui ne l’était pas et si la croyance est comitiale.
Traiter la foi par un antiépileptique ?
Je n’irais pas jusque là. Etant donné les effets secondaires de ces molécules, ce ne serait pas raisonnable en terme de santé publique.
En tout cas, je pense que le prochain grand mystique a bien plus de chance d’être originaire d’un pays en voie de sous développement que de nos pays dits « développés ». Pas à cause de nos « pseudo sagesses » et « fausses idoles », stigmatisées par Benoît XVI, mais plutôt car tout mystique en puissance dans notre monde occidental surmédicalisé a de grandes chances de se retrouver sous phénobarbital ou valproate de sodium avant de voir son premier ange annonciateur. Parions donc que la prochaine religion dominante sera africaine.
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Soulayrol R. Saint Paul ou « l’épine dans la chair ». Epilepsies. Janvier, Février, Mars 2006 ; 18(1) : 47-50.
Comprendre les épilepsies pour mieux les traiter (Document Inserm)
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