11/09/2008
Certains articles sont plus égaux que d’autres.
Je viens de lire deux articles intéressants, publiés en ligne le 8 septembre par Circulation.
Je ne parlerai pas du premier, mais je conseille de le lire à ceux qui s’intéressent à la médecine vasculaire. Le sujet de ce travail est la récidive d’une thrombose veineuse profonde des membres supérieurs et la survie des patients dans les suites d’une première thrombose.
Le second corrèle le taux de citation d’articles cardio-vasculaires parus dans trois revues prestigieuses entre 2000 et 2005 à la nature des sources de financement.
Plus un article est cité, plus il a des chances d’avoir une influence importante sur la pratique médicale.
Les auteurs classent les sources en trois catégories : organisations à but non lucratif (l’Etat fédéral, certaines fondations), à but lucratif (principalement l’industrie pharmaceutique) et les sources dont les fonds sont mixtes.
Je ne vais pas paraphraser l’article, mais donner quelques résultats intéressants :
Le nombre médian de publications annuelles citant les articles choisis par les auteurs (en tout 303 articles) est de 29 pour les sources à but non lucratif, 37 pour les sources mixtes et 46 pour les sources à but lucratif.
Si on s’intéresse aux essais qui démontrent la supériorité d’un nouveau médicament par rapport à un traitement de référence, on obtient respectivement 25, 36 et 52. C'est-à-dire un rapport de 2
Très curieusement (expression purement rhétorique), si on s’intéresse aux essais « négatifs », c'est-à-dire montrant la supériorité du traitement de référence, on obtient respectivement : 41, 13 et 33.
L’explication des auteurs est intéressante : la puissance financière des firmes pharmaceutiques permettent de diffuser les résultats de « leurs » études auprès des « leaders d’opinion », dans la presse médicale et autre, de financer des études ancillaires…
Les firmes font donc tout pour faire parler de leurs produits, on le savait déjà. Mais ce que ce travail pointe est qu’elles sont parfaitement capables de « tailler » la recherche clinique comme le ferait un jardinier d’un arbuste. C'est-à-dire couper les branches indésirables et favoriser d’autres, plus prometteuses, en tout cas pour l’industriel.
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Conen D, Jose Torres J, and Ridker PM. Differential Citation Rates of Major Cardiovascular Clinical Trials According to Source of Funding. A Survey From 2000 to 2005. Circulation 2008: published online before print September 8, 2008, 10.1161/CIRCULATIONAHA.108.794016.
Flinterman LE, van Hylckama Vlieg A, Rosendaal FR, and Doggen CJM. Recurrent Thrombosis and Survival After a First Venous Thrombosis of the Upper Extremity. Circulation 2008: published online before print September 8, 2008, 10.1161/CIRCULATIONAHA.107.748699.
22:07 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (1)
09/09/2008
L’apprenti sorcier.
Blanche Neige et les sept nains. ©Disney
Parfois, les médecins se souviennent de leur lointain passé chamanique, et de l’époque où ils composaient des potions improbables ou des remèdes de bonne femme pour tenter de soigner les maux de leurs congénères. Des milliers d’années d’atavisme médical ne s’oublient pas aussi facilement.
Il y a peu, je suis tombé sur la recette d’une potion tout à fait infernale.
Cette ordonnance, délivrée sans problème apparent par la pharmacie du coin tente de traiter une petite dame octogénaire hypertendue et qui a apparemment une insuffisance cardiaque à fonction systolique peu altérée.
Regardons cette ordonnance potion:
KARDEGIC 160MG, 1 sachet le matin
ODRIK 2MG, 1 gélule le matin et le soir
CO-OLMETEC 20MG/12,5MG, 1 comprimé le matin
PROCORALAN 5MG, 1 comprimé le matin et le soir
LASILIX 40MG, 1 comprimé le matin
KALEORID LP 600MG, 1 comprimé le matin
ALDALIX 50MG/20MG, 1 gélule le matin
ZYLORIC 200MG, 1 comprimé le matin
LANGORAN LP 40MG, 1 gélule le matin et le soir
IKOREL 10MG, 1 comprimé le matin et le soir
STILNOX 10MG, 2 comprimés la nuit
DOLIPRANE 1000MG, 1 comprimé le matin, à midi et le soir
LYSANXIA 10MG, 1 comprimé le matin, à midi et le soir
On y trouve 22 comprimés gélules ou sachets à prendre par jour, soient 14 principes actifs différents.
L’Odrik et le Co-olmetec sont respectivement un IEC et une association ARA2+furosémide que l’on associe qu’exceptionnellement, en tout cas pas dans son cas.
On trouve des diurétiques dans 4 médicaments : furosémide dans le Lasilix (40 mg) et l’Aldalix (20 mg), hydrochlorothiazide dans le Co-olmetec (12.5 mg) et spironolactone dans l’Aldalix (50 mg).
Trois anti-angoreux à l’efficacité, comment dire, « cliniquement subjective » (Procoralan, Langoran et Ikorel) mais dont deux sont clairement hypotenseurs (Ikorel et Langoran). Le problème est aussi que cette patiente n’est a priori pas coronarienne.
Je passe pudiquement sur l’association Lysanxia et Stilnox qui fait un sacré cocktail pourvoyeur de chutes en association avec 6 médicaments anti-hypertenseurs, ou hypotenseurs (Odrik, Co-olmetec, lasilix, aldalix, langoran, ikorel)
Pourquoi le Kardégic ? Rien dans le dossier ne l’explique. La faire saigner plus abondamment en cas de chute ? Possible.
Pourquoi le Kaélorid ? Là c'est facile: pour contrecarrer les effets secondaires du furosémide et de l’hydrochlorothiazide qui sont très hypokaliémiants ! Personnellement, je n’aurais pas osé associer du potassium, avec trois molécules qui augmentent la kaliémie : de la spironolactone, un ARA2 et un IEC. En somme, j’appuie à fond sur le frein et l’accélérateur en même temps. Chaud devant mémé !
Le Zyloric ? Et bien, là aussi, c'est facile: c’est pour diminuer l’acide urique que font monter le furosémide et l’hydrochlorothiazide.
Je n’ai pas non plus traqué toutes les interactions à l’aide d’un logiciel spécifique, si vous en voyez d’autres, à vot’ bon cœur !
J’en tire deux conclusions : la polymédication est toujours en 2008 un fléau qui dévaste nos ordonnances, et le corps humain est vraiment très résistant !
Blanche Neige et les sept nains. ©Disney
17:01 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (14)
08/09/2008
30 ans de lutte contre le cancer.
J’ai trouvé dans une note du WSJ Health Blog un lien vers un article de Newsweek qui balaye 30 années de recherche contre le cancer.
Je ne sais pas si des oncologues passent par là, mais j’aimerais bien avoir leur opinion sur cet article.
Un passage m’a particulièrement marqué :
“ But progress has been wildly uneven. The death rate from lung cancer rose from 43 to 53 per 100,000 people from 1975 to 2005. The death rate from melanoma rose nearly 30 percent. Liver and bile-duct cancer? The death rate has almost doubled, from 2.8 to 5.3 per 100,000. Pancreatic cancer? Up from 10.7 to 10.8. Perhaps the most sobering statistic has nothing to do with cancer, but with the nation's leading killer, cardiovascular disease. Thanks to a decline in smoking, better ways to control hypertension and cholesterol and better acute care, its age-adjusted mortality has fallen 70 percent in the same period when the overall mortality rate from cancer has fallen 7.5 percent. No wonder cancer "is commonly viewed as, at best, minimally controlled by modern medicine, especially when compared with other major diseases," wrote Harold Varmus, former director of NCI and now president of Memorial Sloan-Kettering Cancer Center in New York, in 2006.”
Evidemment, je ne veux pas dire que les cardiologues soient "meilleurs" que les oncologues, cela n'aurait absolument aucun sens.
Cette comparaison est simplement le reflet qu'en cardiologie, nous avons eu la chance de vivre 30 années magnifiques. Durant cet "Age d'or", la conjonction d'une politique active de prévention et l'arrivée de médicaments/de techniques efficaces a permis cette diminution presque incroyable de la mortalité cardio-vasculaire.
Toutefois, si je regarde sur les 4-5 dernières années, j'ai quand même un peu l'impression qu'en terme de thérapeutique, nous avons mangé notre pain blanc...
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We fought cancer…and cancer won.
Sharon Begley
Newsweek
Published Sep 6, 2008
From the magazine issue dated Sep 15, 2008
21:26 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (6)