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25/08/2008

Finesse (2).

J’avais déjà évoqué l’histoire de ce patient.

 

Un des points cruciaux de la consultation était l’estimation en échographie cardiaque de sa pression artérielle pulmonaire moyenne, afin de savoir s’il pouvait bénéficier d’une greffe hépatique. Pas systolique, pas diastolique, moyenne.

En pratique courante, hors consultation HTAP spécialisée, comme la plupart d’entre nous (j’imagine), je ne la calcule pas.

Je me suis donc rué en pleine consultation sur Google pour retrouver la formule, avec le portable coincé entre l’épaule gauche et l’oreille ipsilatérale  pour le fameux « appel à un ami cardiologue».

Finalement, à tous les trois, nous avons retrouvé deux formules.

Ces deux formules me donnaient un même résultat : PAPmoy= 27 mm Hg.

 

J’ai bien entendu conseillé au service de greffe de faire un cathétérisme droit pour confirmer ou non ce chiffre.

 

 

J’ai trouvé ce matin un double de ce cathétérisme : PAPmoy=33 mm hg.

 

Et bien j’étais particulièrement fier de moi.

J’ai fait abstraction du hasard dont j’ai peut-être bénéficié, et j’ai poussé sous le tapis les beaucoup moins flatteurs 18.18 points de cette différence rapportée sur cent pour m’accorder 10 minutes de louanges silencieuses.

Enfin, pas tout à fait silencieuses, car je me suis de nouveau rué sur mon portable pour clamer cette bonne nouvelle à mon ami cardiologue qui a aussi contribué à ce succès. Nous étions fiers de nous.

 

Je suis content de moi, je suis cardiologue. Truisme.

 

 

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Pour les abonnés :

 

C.Selton-Suty, B. Popovic, L. Freysz, A. Chodek, F. Chabot, Y. Juillière. Intérêt de l'échocardiographie dans l'hypertension artérielle pulmonaire. Annales de Cardiologie et d'AngéiologieVolume 56, Supplement 3September 2007, Pages S112-S122

17:24 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (4)

23/08/2008

ball trap

Parfois les familles sont très pénibles.

Le pire type me semble être les « obsessionnels-inquiets ».

Ils traquent l’ensemble du personnel sur des détails au début insignifiants, puis arrivent presque systématiquement à mettre le doigt sur une grosse lacune.

J’en arrive alors à me poser la question : est-ce que nous commettons ces erreurs sous la pression dans ces cas particuliers, ou est-ce que l’erreur est systématique au cours d’une prise en charge médicale ?

Dans ce dernier cas, soit l’erreur n’a eu aucune conséquence (le corps humain est très résistant) et personne ne s’en est rendu compte ou on l’a discrètement poussée sous le tapis. Soit l’erreur a eu des conséquences, mais que personne n’a pu/voulu relier à la catastrophe finale (les tapis des soignants sont très vastes et très épais).

J’hésite, je crois qu’il y a un peu des deux.

En général, les familles pénibles sont un facteur de mauvais pronostic pour les patients. Le plus cruel et ironique est qu’elles sont intimement persuadées du contraire.

En général, dans les ambiances délétères, je fais le gros dos, ne bouge pas, noircit le dossier et accélère la sortie du patient en faisant de grands sourires. En gros, je joue au mistigri, et je constate que je ne suis pas le seul à le faire.

Tout l’inverse de ce qu’il faut faire en médecine.

 

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17:58 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (4)

Le tatouage

La médecine est une synthèse unique de trois facteurs, la maladie, l’être humain, et l’interface entre les deux.

C’est une évidence, mais chaque jour j’en fais l’expérience.

 

Un jour je vais apprécier une maladie à la physiopathologie complexe, à l’évolution surprenante, aux signes cliniques «classiques », c’est à dire décrits il y a 200, 300 ans, voire plus par nos grands prédécesseurs.

 

Un autre jour, je vais admirer la ténacité d’un patient par rapport à une maladie grave, ou au contraire constater avec tristesse son effondrement physique ou psychique. Chaque patient est différent, et je défie quiconque de prévoir à l’avance l’évolution de cette interface être humain/maladie.

 

Enfin, last but not least, l’être humain tout court, celui qui a préexisté à la maladie. Souvent si dérisoire, mais aussi parfois si  grand, et surtout si inattendu.

 

Pour illustrer ce dernier facteur, une petite histoire.

C’est un monsieur d’origine algérienne, non kabyle, la soixantaine, vivant en France depuis l’indépendance. Il ne parle pas très bien français. Il est réservé, discret et quand il me salue, il met sa main droite au cœur, comme le font la plupart des personnes de sa génération.

Pour l’examiner, je le fais déshabiller. Et je découvre, oh surprise, un tatouage « fait maison » qui représente une femme aux cheveux mi longs, encadrant un visage à peine évoqué, de face et en buste. Rien de sexuel, la poitrine n’est même pas esquissée.

Je lui demande l’âge du tatouage, il date des années soixante.

Je lui demande qui il représente.

Je m’attendais à presque tout : sa mère, sa soeur, sa petite amie du moment, sa femme…..

"C’est Madame Kennedy"

Inattendu, pour le moins. Il me précise qu’il l’a fait faire l’année de l’assassinat de JFK.

J’ai préféré ne pas aller plus loin et respecter l’histoire de ce gentil monsieur (ce n'est pourtant pas l'envie qui me manquait...).

 

C’est pour cela que j’aime tant mon métier. Scientifique, juste ce qu’il faut et incroyablement humain.

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10:08 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (4)