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23/11/2007

En route vers un monde meilleur (1).

Cela pourrait être le slogan publicitaire d’un laboratoire pharmaceutique.

 

En effet, mais meilleur pour qui ?

- Les patients ?

- Le progrès scientifique ?

- Les actionnaires ?

 

Une première histoire relatée dans cet article du 20 novembre sur le toujours excellent site « theheart.org » nous oblige à se poser réellement la question (une seconde histoire va suivre).

 

 

Un rapport du Sénat Américain accable le laboratoire GSK dans une sombre histoire d’intimidation d’un médecin qui avait osé critiquer en public la dernière nouveauté révolutionnaire du moment dans le traitement du DNID, la rosiglitazone.

Il y a 8 ans, GSK sort ce produit avec le battage publicitaire que l’on peut imaginer.

Tous les leaders d’opinion applaudissent d'une main (l'autre tient une coupette de Champagne), sauf quelques uns, dont le Dr Buse.

Ce dernier écrit une lettre à la FDA ou il exprime ses inquiétudes par rapport à la sécurité d’emploi de cette molécule. Par ailleurs, il exprime ces mêmes préoccupations au cours de présentations publiques (dont une sponsorisée par Takeda, une société qui commercialise une glitazone concurrente).

GSK réagit en intimidant le Dr Buse, notamment en le menaçant de poursuites judiciaires, en faisant pression sur son ancien patron et en menaçant de couper certains financements.

L'extrait d'un mail interne à GSK (titré suavement "Avandia Renegade") est reproduit dans le rapport. Il me semble assez éloquent pour que je le cite, mais d'autres extraits sont pas mal non plus...

 

 

 « [M]ention was made of John Buse from UNC who apparently has

repeatedly and intentionally misrepresented Avandia data from the

speaker’s dais in various fora, most recent among which was the ADA.

The sentiment of the SB group was to write him a firm letter that would

warn him about doing this again…with the punishment being that we will

complain up his academic line and to the CME granting bodies that

accredit his activities….The question comes up as to whether you think

this is a sensible strategy in the future (we don’t really do too much work

at UNC to make any threats) »

  

 

Notes:

SB étant “SmithKline Beecham”,  maintenant GSK.

ADA=American Diabetes Association

UNC= University of North Carolina

CME=Continuing Medical Education





 

Le Dr Buse abjure et signe une lettre de “clarification” publique qui est en fait rédigée totalement par  des cadres de GSK.

Ensuite, il se mure dans le silence jusqu’à la publication de la méta-analyse de Nissen qui a révélé à tous les risques cardiovasculaires de la rosiglitazone.

 

Le Dr Buse s’est tu en 1999, la vérité a éclaté en 2007.

Combien de patients ont « bénéficié » de cette molécule durant ces 8 ans ?

 

Je cite in extenso la conclusion du rapport sénatorial :

 

« The documents in the Committee’s possession raise serious concerns about the culture of

leadership at GSK. Even more serious perhaps is our fear that the situation with Dr. Buse

is part of a more troubling pattern of behavior by pharmaceutical executives.

Specifically, in 2004, Dr. Gurkirpal Singh of Stanford University testified at a Committee

hearing that an executive at Merck sought to intimidate him by calling his superiors.

Merck also warned Dr. Singh that they would make life very difficult for him, if he

persisted in his request for data on Merck’s drug, Vioxx. It was later discovered that

Vioxx increased the risk of heart attacks and it was withdrawn from the market. Merck’s intimidation of Dr. Singh as it sought to protect Vioxx bears striking similarities

to apparent threats by GSK against Dr. Buse to protect Avandia. The Committee is very

concerned that this behavior may be more prevalent in the pharmaceutical industry than

is evidenced by these two cases.

Corporate intimidation, the silencing of scientific dissent, and the suppression of

scientific views threaten both the public well-being and the financial health of the federal

government, which pays for health care. The behavior of GSK during the time that Dr.

Buse voiced concerns regarding the cardiovascular risks he believed were associated with

Avandia was less than stellar. Had Dr. Buse been able to continue voicing his concerns,

without being characterized as a “renegade” and without the need to sign a “retraction

letter,” it appears that the public good would have been better served.»  

 

 

Cette conclusion fait aussi référence à une précédente mesure d’intimidation dont j’avais parlé ici, ici et ici.

 

 

Ne l’oubliez jamais, les laboratoires sont et seront toujours vos amis.

 

(Si vous en doutez, nous avons des photos de vos enfants en train de dormir)

 

13/11/2007

La médecine basée sur le chéquier.

La liste des questions à se poser quand on lit un article scientifique, pour en connaître sa qualité et in fine sa validité augmente au fil du temps.

La dernière en date (mais qui n’est pas si récente que cela, j’en avais déjà parlé) :

 

Qui a financé ce travail ?

En effet, les résultats diffèrent si c’est le laboratoire qui commercialise le produit étudié, ou si c’est un financeur indépendant qui a payé.

Comme quoi, l’argent a bien une odeur, en tout cas dans les études scientifiques.

C’est ici, publié ce jour dans nytimes.com.

18/10/2007

Intoxication.

Intoxication.

J’ai trouvé un article intéressant dans le Circulation de cette semaine.

Un peu technique, mais qui vaut la peine d’être lu.

Il relate les différentes mesures mises en œuvre par l’industrie du tabac afin de contester la validité des études qui accusent le tabagisme passif d’augmenter le risque de maladie cardio-vasculaires de 30%.

Pour résumer, l’industrie va développer au fil des années 3 moyens pour « garder la controverse vivante ». Jargon suave que l’on pourrait très bien traduire par le terme plus cru de « désinformation ».

Primo : engager des consultants chargés de critiquer les articles défavorables.

Secundo : mettre en place des études « favorables ».

Tercio : développer de cigarettes moins nocives.

Comme on peut rapidement le constater, ces trois points successifs ressemblent fort à une retraite devant "l’ennemi". Mais attention, qui dit retraite ne dit pas capitulation en rase campagne...

D’abord on s’oppose sans argument, puis on essaye d’en forger (j’y reviendrai), puis enfin on travaille pour rendre moins toxique la fumée de cigarette qui est supposée ne pas l'être (!). Ce qui signifie  que l’industrie reconnaît implicitement qu’elle est toxique.

Le second point est intéressant.

L’industrie a d’abord subventionné une étude épidémiologique sur des registres anciens.

Malheureusement, cette étude a mis en évidence un lien entre la fumée de cigarette et les maladies cardio-vasculaires. L’industrie a alors coupé les sommes allouées aux chercheurs qui ont quand même publié leur étude.

On recommence avec un autre registre, d'autres chercheurs, et on tripatouille les résultats. On les publie dans une revue scientifique dont le rédacteur en chef est .... consultant pour un fabricant de cigarettes!

Ca marche, le lien de causalité disparaît, mais le tripatouillage se voit…

Comme l’être humain semble être sensible à la fumée de cigarette, on essaye sur l’animal et on utilise des critères intermédiaires (dosage de diverses substances neuro-endocrines).

Je vous l’ai déjà dit ailleurs, les critères intermédiaires (ou critères mous) sont d’excellents moyens pour transformer une citrouille en carrosse.

« Mon produit est un excellent anti-angineux car il stimule l’oxydation du glucose, et il n’a aucun effet secondaire ».

Ben voyons… Et si c’est une marmotte qui emballe les comprimés, ça sera encore plus efficace ??

(Les initiés auront reconnu de quel produit je parle…).

Bref, tout cela n’est pas très sérieux, d’autant plus que l’on commence à se rendre compte des effets bénéfiques sur la morbi-mortalité du bannissement de la cigarette dans les lieux publics (notamment en Californie).

L’industrie continue de nier l’effet nocif de la fumée de cigarette, mais commence néanmoins à développer des tabacs « à la nocivité moindre ».

 

Le combat contre le cynisme et l'hypocrisie continue.