16/01/2007
L’avenir de l’Industrie Pharmaceutique, c’est l’animal !
- Marre que les pouvoirs publics remboursent de moins en moins vos médicaments ?
- Marre que de plus en plus de médecins vous brandissent sous le nez la charte la visite médicale malencontreusement signée en 2004 ?
- Marre que des avocats fouinent de plus en plus dans vos tripatouillages statistiques ?
- Marre que vos stratégies les plus avancées pour faire vendre vos pilules soient éventées de plus en plus précocement ?
- Marre que vos performances boursières fondent année après année (que + 27.16% pour la SICAV LBPAM Actions Santé l’an dernier), poussant littéralement vos pauvres actionnaires sous les tentes des « Enfants de Don Quichotte » et vous garrottant à tel point que vous ne puissiez plus créer de nouvelles molécules pour le bien de l’humanité ?
Réagissez !
Vendez des pilules aux animaux, plus aucune rationalité ne pourra entraver votre marche vers le profit !
Trouvé ici, sur le toujours excellent "Inside The USA"
12:25 Publié dans Prescrire en conscience | Lien permanent | Commentaires (7)
12/01/2007
Dialogue imaginaire entre un cardiologue hospitalier et un cardiologue libéral
« - C’est intéressant le privé ? Tu vois de belles choses ?
- DEQP003, DZQM006, EBQM002…
- Ah, quand même ! Vivement la fin de mon assistanat ! »
15:35 Publié dans Prescrire en conscience | Lien permanent | Commentaires (2)
06/01/2007
De l’intoxication.
Depuis quelques temps, je voulais écrire une note sur un problème qui va probablement prendre de l’importance dans l’avenir, celui de la publicité directe que pourraient (et voudraient) faire les firmes pharmaceutiques aux « patients » potentiels, c'est-à-dire au public (les guillemets sont fondamentaux ici).
La publicité directe est autorisée pleinement dans deux pays au Monde : les Etats-Unis et la Nouvelle-Zélande.
Elle est plus ou moins autorisée dans d’autres pays, à la condition qu’aucun nom de médicament ne soit cité.
Je crois que c’est le cas en France.
Ce que voudraient les firmes, c’est bien sûr une extension de ce droit, via un lobbying efficace auprès des instances européennes (Cf. ici, un article de Prescrire en accès libre).
J’en ai déjà parlé ça et là, souvent après avoir lu le dernier « Prescrire », ou avoir rencontré un visiteur médical (ça m’arrive…) mais sans vraiment approfondir le sujet.
Le sujet est un peu difficile.
Comment faire sentir le risque pour la population d’une publicité directe, sans avoir l’air de m’arquebouter sur le piédestal de mon pouvoir médical ?
Comment faire comprendre que parfois l’information peut conduire à l’opacité ?
Comment faire comprendre que malgré mes années d’études et d’expérience, je n’arrive qu’à peine à filtrer l’information médicale souvent biaisée que l’on nous fourni abondamment ?
J’ai trouvé un (petit) angle de vue ce matin en tombant sur cette ancienne publicité grand public :
Grand format ici.
Cette campagne est canadienne, et elle date de 2003.
On a eu exactement la même en France (lancement le 25 janvier 2003). Mais je n’ai pas retrouvé de reproduction d’assez bonne qualité.
Les promoteurs sont un laboratoire pharmaceutique qui commercialise une statine et une « société savante ».
Le nom du laboratoire est cité, mais aucune mention de statine (nom commercial, ou même le terme de statine) n’est faite. C’était la condition sine qua non pour cette publicité soit autorisée en France.
Ce type de message (« Ask your Doctor ») a un effet indirect, mais probablement efficace. Le « patient » va voir son médecin, et en cas de dyslipidémie ce dernier va lui prescrire un régime et probablement une statine. Bien entendu, comme tous les médecins, ce dernier a été travaillé en profondeur et sans masque pour prescrire des statines larga manu. Cette campagne, sous couvert de philanthropie bon teint va donc permettre de vendre quelques boites. C’est toujours ça de pris.
Mais revenons à la publicité.
L’image fait peur et elle choque.
Elle est faite pour remuer le public. Elle nous balance sous le nez la peur la plus profonde et la plus irrationnelle que nous ayons, celle de la mort.
Elle me rappelle l'obscurantisme de la raison d'être initiale de certains chefs-d'oeuvres de l'Art médiéval; c'est à dire stimuler la Foi de la population en lui faisant peur. Mais ici, ce n'est vraiment pas un chef-d'oeuvre...
En plus, je suis sûr que les concepteurs ont pompé sur Mantegna!
Faisons quand même abstraction de l’image.
Quel est le message ?
Faites vous faire une cholestérolémie, car si cette dernière est élevée, vous risquez de mourir brutalement d’une maladie cardio-vasculaire.
Ce message parait être marqué par le bon sens, mais il ne l’est pas.
En fait, il est en grande partie erroné.
Primo, car il passe sous silence d’autres facteurs de risques majeurs que sont le tabagisme et l’hérédité par exemple ; et il y en a d’autres.
Secundo, car il véhicule un message qui est en partie une hérésie statistique.
Ce que dit cette publicité, c’est qu’il faut dépister une pathologie cardio-vasculaire latente dans une large population grâce au dépistage d’un facteur de risque cardio-vasculaire. Je critique surtout les deux premiers groupes cités : les femmes de 50 ans et plus et les hommes de 40 ans et plus. Les autres groupes sont des patients à haut risque ou un dosage de cholestérolémie va de soi et n’a pas besoin de campagne grand public.
Quelle est donc la valeur du dosage de la cholestérolémie pour le dépistage d’un décès cardio-vasculaire ?
Comme le démontre très bien cet article de synthèse du BMJ, elle est nulle.
Pour résumer, si on s’impose un risque de faux positif de 5% (c’est le « tarif » habituel dans ce type d’évaluation), on ne dépistera que 15% des futurs morts de maladie cardiovasculaire. Et cela, malgré un facteur de risque associé à une hypercholestérolémie de 2.7.
Vous allez me dire, 15%, c’est pas mal si on peut leur éviter la mort.
Certes, mais faire un dépistage aussi peu performant à grande échelle est totalement impossible d’un point de vue économique. Le coût pour la société serait gigantesque pour un bien piètre résultat (un bilan lipidique complet ou « B70 » coûte 18.90 euros pour une population de plusieurs millions de personnes)
Et au niveau individuel ?
Et bien c’est pareil, un mauvais test ne peut que donner de mauvais résultats. Faire un examen à titre compassionnel (« si c’était ma grand-mère/mon grand-père ») est bien le pire argument médical que je connaisse.
Tant mieux si cette publicité a permis de dépister quelques dyslipidémies, et a permis à quelques patients d’améliorer leur hygiène de vie. Mais combien en ont réellement bénéficié ? Et à quel coût (pécuniaire et en terme d’effets secondaires) ?
Maintenant, extrapolons.
Imaginons en France ce qui existe déjà aux Etats-Unis.
La même publicité, mais avec le nom du médicament bien en vue.
Un quidam sensibilisé et dénué d’une quelconque notion de statistique et de Santé Publique va aller voir son médecin.
Ce dernier a les connaissances, mais comment pourra-t il lutter contre une peur suscitée et largement irrationnelle.
« Vous ne me dosez pas le cholestérol, vous ne prescrivez pas de XXX ? Vous êtes un bon médecin ? ».
Combien d’entre nous vont résister ?
D’autant plus que, encore une fois nous avons été largement « sensibilisé » à la prescription de statines par la visite médicale.
L’industrie pharmaceutique le sait bien, et elle bave à l’idée de pouvoir faire de la publicité directe à tous « ces malades qui s’ignorent ».
Je suis intimement persuadé que la santé de nos concitoyens n’en retirera absolument aucun bénéfice.
Ici, les recommandations françaises actuelles sur la prise en charge des dyslipidémies.
16:25 Publié dans Prescrire en conscience | Lien permanent | Commentaires (7)