13/05/2005
Mon appareil d'écho
Pour répondre à Ron (je suis de garde en réa, tout est calme, j'ai donc le temps...).
Voilà la petite merveille.
Il est à l'ancien appareil du cabinet ce que....
Je ne trouve pas de comparaison....
...ce que l'homme est à l'amibe.
Pas loin.
Mes associés sont totalement perdus, comme le pauvre aborigène devant une canette de Coca.
Ca leur passera, j'espère.
Ils me téléphonent à chaque bug informatique, comme si j'en était la cause.
C'est certain que l' être unicellulaire n'avait pas de problème de synapse...
Pour l'instant, j'ai réussi à garder mon calme, et mon entrain.
21:51 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)
Fluctuat nec mergitur
Pour répondre à Miss Fuzzy, qui s'interroge dans le commentaire suivant:
"Bonjour,
Cela faisait un moment que je n'étais pas revenu sur votre blog. Mais j'y retrouve toujours le même respect émotionnel que j'espèrerais voir plus souvent chez les médecins. J'imagine que c'est toujours le dilemme entre éviter de trop s'impliquer émotionnellement pour ne pas "péter un câble" devant tant de souffrance et de mort et revêtir le costume de l'iceberg. Froid. Implacable.
Pourtant, les médecins orientaux, notamment Indiens (puisque c'est surtout eux que j'ai rencontrés), font preuve de tellement de douceur, n'hésitant pas à prendre la main de leurs patients pour les rassurer et tout malade sait à quel point prendre leur main, un contact, un sourire, une émotion dans le regard est primordial dans un lieu qui rime avec souffrance et douleur.
On dénonce souvent l'apprentissage et le mode de sélection des étudiants en médecine. Peut-être est-ce surtout la preuve de notre société occidentale s'individualisant de plus en plus? Comment percevez vous ces différences d'attitude?"
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L’émotionnel dont je fais part ici, dans ce blog, est accentué par la forme même de mes textes, je ne suis pas comme ça dans ma pratique médicale. L'humour, et parfois la dérision me servent souvent de carapace. Je pratique aussi la "dépersonnalisation", lorsque j'effectue un geste technique, comme la pose d'une voie centrale, une réanimation, ou lors d'un drame médical.
Mais je ne vais pas vous raconter cela à longueur de blog. Ce n'est pas que je renie ces pratiques, mais l'univers médical peut être choquant pour une personne extérieure. Il faut savoir ne pas regarder sous les jupes. En plus, rien n'est plus pénible que la description sans fin de gestes techniques et de "private jokes" médicales.
Mais tenir la main d'un patient ne m'a jamais choqué, cela fait partie des rares moyens d'interactions, que nous avons avec autrui.
Je remarque que la grande majorité des médecins de ma génération, que je connais, ont eux aussi le même respect émotionnel. Ils n'ont pas peur de tenir la main, et de soutenir.
Est-ce un progrès par rapport à nos aînés, ou est-ce une phase de la longue maturation des médecins ?
Je ne sais pas.
J’espère la première hypothèse.
Il faut voir la médecine dans deux dimensions, une temporelle, l’autre spatiale.
Tout d’abord temporelle.
Après des siècles d’obscurantisme, le XXème siècle a vu arriver l’ère de progrès scientifiques immenses, et son corollaire, l’ère de la toute puissance médicale.
Tout pouvait être résolu par la science.
Les relations humaines avec le patient, qui n’avaient été finalement que le seul lien entre des médecins impuissants et leurs patients désemparés durant des millénaires ont alors été bannies des études,et de la pratique médicale.
Le patient n’étant alors considéré, au mieux, de façon condescendante, comme un bon sauvage à éduquer, au pire comme objet d’expérimentations.
Assez récemment (20 ans au plus), de nombreux facteurs ont fait que le patient a voulu devenir actif dans sa démarche de soin, et a commencé à mettre en doute la toute puissance médicale.
La curiosité, le doute, voire la défiance se sont installées progressivement entre le patient et son médecin.
Je le dis sans honte, une bonne part de mes décisions est dévolue, non pas au soin du patient, mais à ma protection contre un éventuel recours. Je ne fais que suivre le mouvement, mais, de principe, je considère le patient contre un potentiel plaignant. D’où, en pratique, multiplication des examens, et des consentements à signer. Encore une fois, je suis persuadé que ces pratiques vont se généraliser.
Pour revenir au sujet principal, le médecin est tombé de son piédestal.
Je le dis franchement, et sans démagogie : heureusement.
Un soin se construit à deux, et n’est pas un diktat, même justifié par la science.
Mais je vois se profiler un nouveau scientisme avec l’évolution technique.
C’est inéluctable, et en grande partie, tant mieux, bien sûr.
Nos maladies seront de mieux en mieux soignées.
Mais nous ?
Ensuite spatiale.
Quid des autres médecines (douces, ethniques…).
La dimension humaine est ici clairement prépondérante.
Les raisons en sont multiples : refus ou impossibilité d’avoir accès aux examens paracliniques, croyances en la puissance de/des esprit(s)…
Je subodore que notre examen clinique sera, dans l’avenir, assimilé à des pratiques chamaniques, étant donné le progrès exponentiel de la technique. Qui est actuellement capable d’estimer une PVC au lit d’un patient, par un simple examen clinique. Les souffles cardiaques seront bientôt relégués au niveau de l’étude du vol des oiseaux.
Ce n’est pas qu’une figure de rhétorique, quand je parle avec un médecin de 70-80 ans, je découvre des pratiques, qui me semblent être en effet de l’ordre du magique. D’où l’immense respect que j’ai pour eux, ils n’avaient pas beaucoup de choses pour diagnostiquer et soigner.
Il faut donc naviguer entre science et conscience.
C’est pas très facile, et chacun trouve son équilibre avec le temps.
La science est confortable, car expurgée de sentiments. La conscience est enivrante, et destructrice à la fois.
Je fréquente les Hôpitaux depuis 1993, et j’essaye de maintenir un équilibre constant. Heureusement pour moi, je suis assez pragmatique.
Fluctuat nec mergitur.
21:40 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (1)
01/05/2005
Staff parisien
Salle de staff, 10h00, dans un service parisien de cardiologie.
Tout le monde est présent.
Le patron, grand nom de la cardiologie européenne (on peut le dire), son PH, 3 attachés, dont deux vieux (un peu comme les miens, lors de mon premier choix), la surveillante, les trois internes, deux ou trois externes, et moi (j’avais alors un statut, disons, mal défini…).
Autant l’avouer, j’étais « Attaché », monté sur Paris 5 mois avant d’avoir mon poste de CCA.
Le patron est aussi accessible que brillant. Major de l’internat, son avis est reconnu dans sa spécialité (pour une fois, je pense que c’est mérité). J’appréhendais un peu de me frotter pour la première fois au mandarinat parisien, le vrai, le pire.
En fait, pas du tout, en deux phrases, il s’est rendu accessible et sympathique.
Au bout d’une semaine, le matin, il me donnait du « Salut fils ! » (quand je le revois, c'est "Salut Docteur", j'ai pris du grade).
Chaque interne avait son petit surnom, ou sa petite expression personnalisée.
Un jour, nous parlions d’un de mes anciens patrons (celui de « premier choix »), qui était référencé sur un site internet comme un « World Medical Leader ».
Rien que d’y penser, j’en pleure de rire, mais passons.
Il répondit :
« C’est bien, mais moi, je suis référencé sur Harrissa.com, section tunes célèbres ».
Donc, salle se staff.
L’interne ânonne l’histoire fort compliquée d’un patient du service.
Au bout du troisième, ou quatrième malheur cardiologique de ce pauvre homme, le patron lève la tête brutalement.
« Dis moi, Steph., qui a adressé ce patient ?
- C’est le Dr XX…
- En ce moment, il nous envoie beaucoup de patients, c’est drôle, mais cette histoire me rappelle celle de Monsieur D., qu’il nous a envoyé il y a une semaine ou deux. A propos, qu’est-ce qu’il est devenu ?
- …
Grand silence gêné dans la salle (sauf les externes, dormant depuis le début en fond de salle).
- J’ai dit une bêtise ??
- …
- C’est de Monsieur D. dont on parle ??
- … »
Tout est dit.
Un Grand Monsieur, accessible, mais un peu lunaire.
11:15 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (1)