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18/10/2005

Miam-miam.

medium_pills.3.jpgHier, je suis allé au chevet d’une gentille octogénaire sourde.

Bien sûr, j’ai dû crier pour me faire comprendre, mais j’ai quand même pu cerner le problème de cette patiente.

La prise en charge de cette patiente m'a encore démontré que la cardiologie était encore "terra incognita" pour pas mal de mes confrères.

Enfin bref, j’allais partir quand l’infirmière vînt et déposa les comprimés du soir dans une cupule.

Une quantité incroyable à vrai dire, une bonne dizaine de pilules multicolores, ¼ et ½ comprimés.

Croyant bien faire, et pensant que la patiente m’en saurait gré, je lui dis :

« Hoooolaaaa, je vais simplifier tout cela !! »

Elle me regarda, et s’étrangla, scandalisée.

Avant de lui supprimer le moindre cachet, je devrais lui passer sur le corps !

Je sortis donc, vaincu par l’hydre de la poly médicamentation.

 

Tout cela pour dire que j’ai lu un article remarquable sur lemonde.fr du 19/10/05

Je le reproduis ici in extenso, en espérant que son auteur, Sandrine Blanchard ne m’en voudra pas.

Mais je pense que cet article vaut le détour

 

La France, championne d'Europe en prescription de médicaments

LE MONDE | 18.10.05 | 13h28 • Mis à jour le 18.10.05 | 13h56


Une petite irritation de la gorge, une première douleur au genou, et le patient français se retrouve souvent avec une prescription d'antibiotiques ou d'anti-inflammatoires. Et comme il n'a plus d'aspirine dans son armoire à pharmacie, le médecin accepte de rajouter une ligne supplémentaire sur l'ordonnance.

 

Avec 30 milliards d'euros de dépenses en 2004, la France demeure le premier pays prescripteur de médicaments en Europe. Pourquoi ? Parce que 90 % des consultations chez un médecin de ville se concluent par la délivrance d'une ordonnance contre 83 % en Espagne, 72 % en Allemagne et 43,2 % aux Pays-Bas. Ces chiffres, issus d'une enquête européenne réalisée par Ipsos-santé à la demande de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et rendue publique mardi 18 octobre, illustrent le fossé qui sépare la France de ses voisins dans la prescription médicamenteuse.

A l'heure où le gouvernement appelle les assurés sociaux et les professionnels de santé à un "changement de comportement" pour tenter de résorber le déficit de la Sécurité sociale, cette étude tombe à point nommé pour mesurer l'exception française en terme de dépenses pharmaceutiques. Une exception qui "n'a pas de fondement sanitaire et représente un enjeu pour la santé publique et pour la pérennité du système de soins", souligne la CNAM.

Réalisée auprès de 4 000 patients et 1 000 médecins dans quatre pays européens, l'enquête montre que les Français ne consultent guère plus que les autres (4,9 consultations en moyenne par an contre 5,2 en Allemagne et 3,2 aux Pays-Bas). En revanche, ils ne repartent quasiment jamais de chez leur médecin sans une liste de produits à acheter. Ainsi, dans les sept derniers jours, les personnes interrogées déclarent avoir pris, en moyenne, 1,6 médicament prescrit contre 1,2 en Allemagne et en Espagne et 0,9 aux Pays-Bas.

Si les médecins français concluent quasi systématiquement leurs consultations par le rituel de l'ordonnance, 46 % d'entre eux estiment qu'ils y sont contraints à cause de la "pression" exercée par les patients. 92 % des médecins ressentent "une attente de prescription" pour les troubles du sommeil, alors qu'ils ne sont que 27 % à estimer que ce problème nécessite forcément un médicament. Ce décalage entre les attentes supposées du patient et l'avis du professionnel se retrouve aussi pour le traitement du mal de dos ou celui des rhumes.

Pourtant, l'ordonnance est loin d'apparaître comme une évidence pour les assurés sociaux. Ainsi, 80 % des Français interrogés considèrent ­ à l'image de leurs voisins européens ­ qu'"une consultation ne doit pas forcément se terminer par la délivrance de médicaments" et ils sont autant à dire leur "confiance envers un praticien qui sait remplacer certains médicaments par des conseils utiles".

Finalement, tout se passe comme si la relation médecin-patient relevait d'un grand malentendu. Si les professionnels de santé parlent de "pression" en faveur de la prescription, les patients eux ne placent pas le médicament en tête de leurs attentes. Quand ils vont chez leur médecin, 78 % souhaitent "qu'il leur explique ce qu'ils ont" , 35 % attendant "des conseils" , 33 % "une écoute" et seulement 25 % "une ordonnance". Les médecins, de leur côté, privilégient le médicament aux conseils parce que 44 % d'entre eux pensent que "le patient ne suivra pas leurs conseils" et 34 % parce que "prescrire paraît le choix le plus prudent".

Ainsi, paradoxalement, dans un pays champion d'Europe de la prescription médicamenteuse, médecins et patients concèdent que celle-ci ne devrait pas être incontournable. Cet écart colossal entre ce qui est dit et ce qui est fait montre, selon les responsables de la CNAM, que "le système français de "l'ordonnance-reine" et de l'attente irrationnelle de médicaments paraît ouvert à des évolutions".

Comme elle l'a fait sur les antibiotiques, l'assurance maladie entend profiter des résultats de cette étude pour mener des campagnes sur le bon usage des médicaments auprès des assurés et des médecins. L'idée serait de "cibler" des spécialités ­ comme les psychotropes ou les statines ­ clairement surconsommées.

"Le moment pour inciter au changement est venu, d'autant plus qu'avec l'instauration du médecin traitant il sera plus facile pour le praticien d'engager un dialogue de fond avec ses patients", considère le professeur Hubert Allemand, médecin-conseil national de la CNAM. L'objectif est aussi de limiter le nombre de lignes sur les ordonnances. "Au-delà de trois médicaments prescrits, on ne sait plus ce que l'on fait, car il y a un risque de complications iatrogéniques -induites par les médicaments eux-mêmes-", souligne M. Allemand.

Les tables rondes organisées en septembre par la CNAM pour recueillir les réactions des médecins généralistes aux résultats de cette enquête montrent que l'organisation même du système de soins français pousse à la prescription. "Je suis formaté pour prescrire ", témoignait ainsi un généraliste lyonnais, qui regrettait que la formation des médecins soit centrée sur le curatif au détriment du préventif et du conseil.

"Nous sommes les distributeurs de l'industrie pharmaceutique" , ajoutait un praticien strasbourgeois, qui pointait la promotion omniprésente des laboratoires. Les médecins relèvent néanmoins que des affaires récentes, comme celle du Vioxx, ont amené les patients à s'interroger sur le rapport bénéfice-risque du médicament.

Des médecins mettent aussi en cause le système de rémunération à l'acte qui ne différencie pas la consultation "courante" pour une rhinopharyngite et celle, plus longue, pour un patient atteint d'une maladie chronique ou un grand dépressif. L'ordonnance est alors souvent un "outil" pour mettre un terme à la consultation. Pour le professeur Didier Sicard, président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), "il faut revaloriser l'acte médical, car il doit rester un acte intellectuel aidé par la technique et non l'inverse".

 

Sandrine Blanchard


Des habitudes qui creusent les dépenses

Une étude de l'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes), publiée lundi 17 octobre, montre que ce sont "les comportements de prescription et non le nombre de produits pris en charge qui expliquent les écarts de dépenses entre les pays" . Ainsi, les vasodilatateurs ­ classés à service médical rendu (SMR) insuffisant ­ ont représenté, en 2002, un coût de 3 829 euros pour 1 000 habitants en France, contre 1 440 euros en Allemagne et 181 euros en Angleterre. Parmi les 37 molécules recensées dans cette classe de médicament, 16 sont prises en charge en France, 15 en Allemagne et 9 en Angleterre.

Quant aux benzodiazépines (utilisés pour les troubles du sommeil, l'angoisse et l'épilepsie) ­ dont l'offre est régulée dans tous les pays ­, leur remboursement a représenté, en 2002, plus de 2 600 euros pour 1 000 habitants en France, contre 1 200 euros en Allemagne, où la quasi-totalité de ces médicaments sont soumis au système des "prix de référence".

 

Article paru dans l'édition du 19.10.05

 

16:05 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (5)

25/08/2005

Combien je vous dois Docteur ? Euuuuuhhhh….

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Je vous avais déjà parlé de la nouvelle convention ici .

Bon, au bout de 4 mois, les choses sont toujours aussi peu claires. Ce qui me rassure, c’est que je ne suis pas le seul, comme en témoignent les fax de notre syndicat.

J’ai vu, en urgence, un patient d’un de mes associés aujourd’hui. Il est en ALD (affection longue durée) et vient me voir de lui-même, sans passer par son généraliste (c’est l’immense majorité des patients cardiaques).

Combien je vous dois, Docteur ?

Euuuuuuh…

 

Un codage ancienne version aurait donné cela : CS+K6.5+MPC, soit 38.07 euros.

CS, c’est la consultation, K6.5, la cotation pour l’ECG.

Je n’ai jamais trop compris ce qu’est exactement la MPC (« Majoration Provisoire Clinicien »), en gros, une majoration réservée aux médecins spécialistes. Le « provisoire » dure depuis de nombreuses années.

 

Que devrait être le codage « nouvelle version » (dans le cadre du parcours de soins) ?

A priori : CS+K6.5+MPC+MCS, soit 39.48 euros.

La MCS est dite « Majoration de Coordination Spécialiste »

A priori, car j’ai considéré que le patient, étant en ALD. Je n'ai pas inséré de code coordination, car je ne sais pas comment cela marche.

 

Mais aurais-je pu coter en « hors parcours » ?

C'est-à-dire HCS+K6.5+LPC, soit je ne sais pas combien.

 

Ou aurais-je pu le coter en « consultation d’urgence » au sein du parcours de soin.

Soit : MTU+ CS+K6.5+MPC, soit là aussi, je ne sais combien (est-ce comme cela qu'on utilise le "MTU" ?).

 

Je suis probablement assez réfractaire aux nouveautés, mais je n'ai trouvé personne, je dis bien personne qui ait compris, et sache m'expliquer. Avec mon compère de toujours, nous avons contacté la sécu. Ils nous ont adressé à la personne qui gère spécifiquement la nouvelle convention. Nous n'en avons pas cru nos oreilles, mais elle est encore plus perdue que nous.

Au secours...

Bon accrochez vous, mais les cotations des actes vont changer le 15 septembre, après une période transitoire de 15 jours.

Ainsi, l’antique, mais connu de tous les cardiologues, K6.5 va être remplacé par le mystérieux, exotique et non mémorisable DEQP003.

 

Vivement mon premier CS+ DEQP003+MPC+MCS ! (40.07 euros).


???????????????????????????

Mais au nom de Dieu, qui a pondu un tel merdier ???

 

 

19:59 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (5)

23/08/2005

Les personnes âgées sont-elles des patients comme les autres ?

medium_rembrandt.jpgLes personnes âgées sont-elles des patients comme les autres ?

 

Bien sûr, a-t-on envie de répondre.

Pas si simple que cela en fait.

 

Première question, qu’est-ce qu’une personne âgée ?

Dans nos pays développés, dans la plupart des études cliniques, on s’accorde à fixer la limite à 70-75 ans.

Mais à vrai dire, il n’existe pas de borne fixe.

Disons qu’à partir de 70-75 ans, le métabolisme est assez modifié pour avoir une influence notamment sur les effets des médicaments pris (ce que l’on pourrait appeler « pharmacogériatrie »).

 

Petit rappel, pour toujours avoir ceci en mémoire, la durée de vie moyenne actuelle en Tanzanie est de 45.24 ans.

 

Donc comment traiter les personnes âgées ?

 

Bien, quelle question, comme les autres, en suivant les études cliniques, et les recommandations des sociétés savantes !

 

Encore une fois, pas si simple que cela.

 

Primo, car les buts thérapeutiques ne sont pas les mêmes.

Chez la personne âgée, le but principal est d’assurer une qualité de vie optimale, vient ensuite seulement de la prolonger.

Il faut souvent faire un choix en cardio : instaurer des médicaments potentiellement dangereux, mais permettant de prolonger la vie (et aussi la qualité de vie, par exemple IEC et bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque), ou assurer un confort de vie en instaurant un traitement par diurétique simple, assez peu dangereux (qui peut aussi devenir délétère si l’on ne surveille pas !).

J’ai vu assez de syncopes traumatiques sous bêtabloquants, ou d’insuffisances rénales aiguës sous IEC chez des patients âgés, voire très âgés pour être très prudent sur leur prescription systématique.

 

Secundo, les études dont nous parlons, sont-elles adaptées à des personnes âgées ?

Et bien non, la plupart du temps, l’âge moyen des études est autour de 50-55 ans.

Par exemple, la population de « CHARM-preserved » (Lancet 2003), une étude menée spécifiquement sur une pathologie touchant des patients âgés et très âgés, est de …

67 ans.

C’est mieux que la plupart des études, mais encore loin de ce qui se passe dans la vie réelle.

Autre problème que celui de l’âge, celui des maladies associées, les fameuses « comorbidités ».

Beaucoup d’entre elles sont des critères d’exclusion pour des patients potentiellement « incluables » dans des études cliniques.

Ainsi, prenons « MERIT-HF » (Lancet 1999), une des études fondatrices dans le traitement de l’insuffisance cardiaque.

Seuls 13% d’une population de 20388 patients insuffisants cardiaques pris au hasard dans une immense base de donnée aux EU, et âgés de plus de 64 ans (âge moyen de 78 ans) correspondent aux critères d’inclusion de l’étude (FA Masoudi. Am Heart J 2003).

Autrement dit, cette étude, encore une fois fondatrice, ne concerne que 13% des patients insuffisants cardiaques, âgés de plus de 64 ans.

Enfin, vient le problème de la polymédicamentation des personnes âgées.

Le risque d’interaction augmente avec le nombre de médicaments pris par jour, et atteint 10% avec 6-10 molécules, et dépasse 50% avec plus de 16 (Sources CREDES et PAQUID)

Seize comprimés différents, c’est énorme me direz-vous.

Lisez l’ordonnance de votre grand-mère/grand-père et vous serez surpris.

 

 

 

 

 

J’ai ressorti et résumé ce cours, que je faisais l’an dernier aux médecin généralistes dans le cadre de la formation médicale continue à la suite de la parution d’un article dans le dernier JAMA (Boyd CM, Darer J, Boult C, et al. Clinical practice guidelines and quality of care for older patients with multiple comorbid diseases. JAMA 2005; 294:716-724.)

Les auteurs s’interrogent sur la validité de études cliniques, et des recommandations de pratique médicale chez les personnes âgées.

Ils donnent un exemple virtuel frappant.

 

Soit un homme de 79 ans ayant les pathologies suivantes, toutes de gravité modérée :

Ostéoporose, osteoarthrite, diabète de type 2, bronchite chronique, et HTA.

 

Selon les recommandations actuelles (aux Etats-Unis), il faudrait :

- Prendre 12 traitements différents, avec 19 prises médicamenteuses, réparties en 5 fois sur 24 heures.

- Il faudrait qu’il fasse un peu d’exercice avec des poids pour son ostéoporose, mais cela est interdit par ailleurs si son diabète est compliqué par une neuropathie périphérique.

 

Douze traitements différents, représentent environ 30% de risque d’interactions médicamenteuses significatives.

 

Plus on avance, plus c’est complexe de soigner les gens….

 

Comme d’habitude, l’étude du JAMA est citée ici.

10:00 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (2)