20/08/2005
Comment devenir CCA?
Finalement, je vais en parler aujourd’hui.
Vaste question en fait.
Tout d’abord, CCA est le sigle de Chef de Clinique [des Universités] Assistant [des Hôpitaux]. Un sigle, deux fonctions distinctes : soigner à l’Hôpital, et enseigner à la Faculté.
Un CCA/ancien CCA ne peut être qu’un spécialiste. Ce titre n’existe pas pour la médecine générale (qui sait, peut-être qu’un jour...).
Le poste de CCA est normalement un tremplin pour une carrière hospitalo-universitaire, dont le but ultime est l’agrégation (le professorat) et la chefferie de Service.
Mais il faut bien dire ce qui est, l’immense majorité des CCA n’a absolument aucune envie de faire carrière.
Ils approfondissent la spécialité (c’est obligatoire en chirurgie), et attendent la fin de leur clinicat pour s’installer en libéral (c’est ce que j’ai fait).
L’assistanat dure 2 ans, renouvelable une fois pour ceux qui restent.
Un assistanat donne la possibilité de s’installer en secteur 2, ou les honoraires demandés sont habituellement plus importants qu’en secteur 1 (j’ai pourtant choisi le secteur 1 mais pour des raisons plus complexes).
Enfin, en général, cela fait toujours bien de mettre « ancien Assistant - Chef de Clinique » sur sa plaque (c’est ce que je me suis empressé de faire).
Mais encore une fois, pour les spécialités médicales, il n’est pas du tout obligatoire d’avoir été CCA pour s’installer. Surtout, le fait d’avoir été CCA ne fait pas forcément de vous un meilleur médecin que quelqu’un qui ne l’a pas été.
Jusqu’à l’internat inclus, nous choisissons d’aller travailler dans tel ou tel service.
La règle est générale, hormis ici et là quelques exceptions (stage « obligatoires »…).
L’assistanat, c’est différent.
Le chef de service, et lui seul peut nommer un CCA.
Donc, il faut qu’un chef de service vous choisisse.
C’est aussi simple que cela.
Enfin presque….
Il faut d’abord faire sa demande. Ceux qui lisent ce blog depuis longtemps peuvent imaginer que, pour moi, cela a été toute une histoire. Mon co-interne m’a littéralement poussé dans le bureau de mon patron pour que je me décide.
Il faut bien évidemment avoir des atomes crochus avec lui, pour que vous ayez une chance d’être choisi.
Il faut aussi choisir le « bon cheval », surtout dans un service ou le patron est en instance de départ, et que ses agrégés se dévorent les entrailles pour lui succéder.
En général, la réponse tant attendue est très évasive, car il faut prévoir 2, 4 ans voire plus à l’avance.
En effet, sauf exception, on récupère le poste de quelqu’un d’autre, qui peut donc renouveler son assistanat une fois. Pour compliquer les choses, on exige de plus en plus des futurs hospitaliers de partir 1 an à l’étranger (aux EU, le plus souvent). Donc chaque service a un parfois deux « satellites » à l’étranger, et à qui il va bien falloir trouver un poste ensuite.
Enfin, il y a tous les autres, de la même promo que vous, qui veulent vous ravir votre poste, celui auquel vous avez droit (« mon boulot de dans deux ans »). Là, ce n’est pas simple, les coups bas sont autorisés, en dessous de la ceinture si possible.
Bref, le plus souvent, on ne sait jamais si la place est acquise ou non, jusqu’aux derniers mois avant son hypothétique prise de fonction.
J’ai attendu mon poste 12 mois (6 mois de post-internat, 5 mois à Paris, 1 mois à glander), ce qui est la moyenne actuellement.
Enfin, Paris et ma ville universitaire ont des habitudes radicalement différentes (j’avoue ne pas connaître comment cela se passe ailleurs, notamment à Lyon).
En effet, ici, le nombre de choix successifs dans le même service n’est pas limité. En gros, on appartenait à une « chapelle » de cardiologie, en y faisant tout son internat puis son assistanat.
Ainsi, sur mes 8 choix de cardio (hors celui de réanimation chirurgicale), j’en ai fait 5 dans le même service, quasi successivement. Donc, je savais que si la conjonction des planètes m’était favorable, j’aurais toutes les chances d’y faire mon assistanat, d’autant plus que le patron n’avait qu’un seul dauphin.
A Paris, il est interdit de faire des choix successifs. Donc, tous les internes, dès que leur choix est sur le point de finir, font une demande de poste de CCA à chaque patron.
Ce n’est pas sans poser des problèmes, par exemple quand plusieurs patrons disent oui !
Par ailleurs, ils ne reculent devant rien pour "fixer" un candidat, faute d'autre prétendant, par exemple en leur poposant des postes un peu "foireux".
Bref, je n’envie pas du tout la vie des internes parisiens, perpétuels quémandeurs.
« Vous auriez pas un p’tit poste ? A vot’ bon cœur ».
20:15 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (3)
03/08/2005
Sortie de garde.
Bonne pêche hier soir et cette nuit : 2 intubations (dont 1 changement de sonde), 1 voie veineuse centrale sous clavière gaauche, 1 artère fémorale gauche et 1 catheter veino-veineux fémoral gauche.
Après, dodo à minuit, réveil spontané à 6h30 (c’est mon heure).
Mon côté Dr Jeckill, celui du réanimateur ès montée/descente de sonde ou de tuyau en tout genre a donc été pleinement satisfait. Je n'ai pas eu à dire un mot, hormis bien sûr au reste de l'équipe.
Je vais pouvoir reprendre mon masque de cardiologue affable et rassurant pour la journée qui s’annonce.
Encore une fois, j'adore les deux faces de mon activité.
Petit Janus nycthéméral.
La pauvre petite dame, qui a eu droit à tout cela (sauf la sous clavière) n’a pas failli à son destin, elle n’est pas sortie du bloc opératoire.
Mon premier contact avec elle a été de lui mettre un tuyau dans les voies aériennes. Donc on ne peut pas dire que j’ai éprouvé quoi que ce soit à l’annonce de son décès ce matin. A part peut-être un vague sentiment de gâchis, étant donné la façon dont elle a été gérée auparavant.
Le choix de son cardiologue s’est avéré décisif pour elle, mais pas dans le bon sens.
07:30 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (1)
23/07/2005
Le doute tue (suite)
J’ai un peu réfléchi à cette histoire, pour essayer d’en tirer une leçon.
Mais je suis persuadé qu’une situation semblable est malheureusement inéluctable.
Chaque médecin examine un patient avec ses 5 sens, et son sixième.
Ici, se retrouvent un premier type d’erreur, en cas d’examen ou d’interrogatoire incomplet.
Ce sont les erreurs des débutants, ou des orgueilleux.
Cet ensemble de « capteurs » mène directement à un « décodeur », qui fait la synthèse de l’ensemble des informations enregistrées. Je suis persuadé que le « décodeur » de chacun est différent en fonction de la spécialité, du vécu…
Ainsi, des oedèmes des membres inférieurs identiques vont évoquer immédiatement différents diagnostics en fonction de la spécialité du médecin : cardiologue, néphrologue, angiologue….
Il est très difficile de s’affranchir de cette première impression.
En fait, en temps que cardiologue, je vois majoritairement des cardiaques (heureusement). Donc je vais immédiatement penser « insuffisance cardiaque » devant des oedèmes, et j’aurais raison dans 99% des cas. Bien sûr, les examens complémentaires vont affirmer ou infirmer l’hypothèse.
Mais c’est clair que, à force de voir des cardiaques, ma capacité à évoquer des diagnostics différents va en diminuant. C’est ce prisme, qui va induire le second type d’erreurs, les erreurs par obnubilation (être privé de discernement, au sens étymologique du terme).
Mais, ce n’est pas le décodeur qui mène à l’action, mais la somme des connaissances acquises en cours, et surtout celles acquises sur le terrain (« j’ai déjà vu cela avant… »).
Et celle çi est obligatoirement incomplète.
D’où un troisième type d’erreurs, celles commises par méconnaissance. Et encore une fois, mes connaissances ne représentent qu’une fraction de la Connaissance Médicale qui augmente tous les jours.
Mon sixième sens (on en a tous un) m’a parfois tiré de situations délicates, mais ici, il ne m’a pas aidé.
Le décodeur aussi parfois, c’est celui qui permet des diagnostics brillants et quasi instantanés, mais ici, il ne m’a pas aidé.
La connaissance livresque ou de terrain assure la majorité du travail, mais ici, elle ne m’a pas aidé.
Le prochain pied douteux que je verrai me rappellera cette histoire, et je ne le louperai pas.
Mais d’autres situations se présenteront obligatoirement, celles que l’on trouve typiquement en marge de la courbe de Gauss, les raretés, ou les évènements improbables.
Et là encore, je me tromperai.
Mais cela ne me fait pas peur, ni ne me paralyse dans ma pratique.
Tout médecin vit avec.
De plus, je pense que ma balance professionnelle est très largement positive, puissent Anubis, Thot le Greffier, et Osiris le Juge, m’en être témoins.
L’erreur médicale est au médecin ce que la mort est à la vie, ils sont indissociablement liés.
17:50 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)