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21/11/2007

Qui suis-je ?

Selon une étude récente, je provoque chaque année en Allemagne 2148 décès et 3376 accidents cardiovasculaires graves.

15:30 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (5)

20/11/2007

Le nouveau code ADN: A, R, G, E, N, T.

Daneel Ariantho (à partir d’un article de TechCrunch) m’a signalé les activités d’une société commerciale qui analyse le génome humain pour la modique somme de 999$. Vous crachez dans un récipient approprié, et au bout de 4-6 semaines, on vous rend une sorte de carte génétique disponible sur leur site web avec des petites bandes vertes (les « bons » gènes) ou rouges (« les mauvais »). Les « mauvais » sont ceux que la littérature a associé à une fréquence statistiquement plus élevée de survenue de telle ou telle maladie. Cette start-up a, selon TechCrunch, été capitalisée à hauteur de 3.9 millions de dollars par Google en mai dernier.

  

 Bon, évacuons tout d’abord la part subjective qui entoure la lecture du code ADN. On sait le lire, on le fait couramment dans les limites de la loi en France, et bien plus couramment ailleurs. La seule mention de l’acronyme ADN entraîne pourtant invariablement chez des commentateurs peu au courant (et se croyant l’être) l’évocation de tout un tas de références cinématographiques (de Frankenstein à Gattaca) qui leur donnent l’impression qu’ils dominent le sujet. C’est porteur et donc vendeur, mais pas plus consistant qu’un soufflé qui aurait trop traîné entre le four et la table familiale. On prête au génome une mystique qu’il n’a pas, mais ça fait vendre, alors on en rajoute.  

  

Maintenant, réfléchissons à ce qu’apporte de test. Nous partirons du principe qu’il est « fiable », c'est-à-dire effectué dans des conditions optimales par des gens correctement formés.

Il peut vous dire si vous êtes plus à risque de développer par exemple une maladie « A », si vous êtes porteurs du gène « abc » qui sera scolairement colorié en rouge.

Bon, et alors ? Vous avez x % de plus de développer cette maladie. Et alors ? Qu’allez vous faire ? Courir chez votre médecin pour prévenir une maladie qui n’est pas encore arrivée ?

Vous allez me rétorquer : et le dépistage, c’est du flan ?

Non, mais le dépistage se fait sur une vaste population si possible à risque de quelque chose. Dans ce cas, le dépistage est validé et sous tendu par la loi du nombre.

Mais par contre, au niveau individuel, que vaut une étude sur 1 personne ?

Par ailleurs x % de plus est un chiffre relatif. Si le risque absolu d’avoir « A » est de 0.00000000000231 %, et que vous avez 50 % de risque de plus qu’un quidam d’avoir cette maladie, croyez moi, vous ne risquez pas grand-chose.

Vous allez aussi me rétorquer que des études avec des tas de patients ont montré que la présence d’« abc » augmentait le risque de « A ».

Certes, mais êtes-vous certains d’appartenir à ces groupes ? Etes-vous seulement représenté ?  

Admettons que ce risque soit avéré. La question persiste : qu’allez vous faire ? Où pour être plus précis, qu’est-ce que votre médecin va faire ?

La maladie ainsi mise en lumière, « votre » maladie, est-elle seulement évitable ?

Imaginons que la maladie soit un infarctus du myocarde. Qu’allez vous faire de plus pour éviter la survenue d’un infarctus à part corriger des facteurs de risque (que vous avez probablement déjà traqué, étant donné que votre angoisse est telle que vous avez payé 999$ pour analyser votre ADN) ? Faire des coronarographies mensuelles, des épreuves d’effort hebdomadaires ? Inefficaces et non dénuées de risque. C’est la dure loi de la médecine, on diminue souvent un risque en en majorant un autre.

Donc ce test ADN est une aberration.

  

Maintenant, changeons de point de vue. J’ai parcouru le site web de cette société. Tous les arguments exposés (de manière très didactique) sont valables scientifiquement quand ils sont pris un à un. Le site interroge des médecins qui approuvent gravement chacun leur petite parcelle de vérité.

Ensuite, le site aboutit à partir de la somme de ces petites vérités à un grand mensonge : chacun d’entre nous se doit de faire son test ADN.

La perversité des hommes mués par l’appât du gain ne cessera jamais de m’étonner : établir du faux à partir du vrai. Ce modus operandi n’est pas nouveau, mais il y est porté à un niveau qui impose le respect.

A la fin de ma lecture, j’étais presque tenté de ma faire faire ce test. Heureusement, je me suis repris, et j’ai craché sur l’écran, et non dans le petit récipient approprié (j’aurais presque pu le faire, je suis de garde cette nuit).

 

Maintenant, changeons encore une fois de perspective.

Cette start-up est prometteuse en terme financier. La peur de la maladie et de la mort est une source d’énergie intarissable (contrairement aux énergies fossiles) pour la planche à billets de celui qui sait la canaliser. Que reste t-il pour gagner le gros lot : lui assurer une large diffusion sur le net, ou tous les inquiets du Monde passent leur temps à rechercher des informations sur leurs maladies actuelles et futures. D’ailleurs, petite remarque ancillaire : ce sont ceux qui n’utilisent pas internet par défaut d’infrastructure ou à cause de leur extrême dénuement qui bénéficieraient probablement le plus des informations médicales qui y sont collectées. Pas des occidentaux névrotiques suivis comme le lait sur le feu par un système de santé hyper perfectionné.

 Le monde est mal fait, n’est-ce pas ?

Quel est le moteur de recherche le plus utilisé actuellement ?

Qui vient d’investir 3.9 millions de dollars dans cette start-up ?

Si vous ne savez pas que la réponse à ces deux questions est la même, c’est que vous habitez une caverne et que vous ne vous souvenez plus du début de ma note.

 

Par contre, comme vous pouvez le constater, dans le monde des affaires, là, les choses sont bien faites.

02:20 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (7)

15/11/2007

Télémédecine.

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Hier au soir, le médecin qui était de garde à la clinique m’a demandé ce que je pensais d’un système de télétransmission d’ECG destiné à des médecins qu’un commercial particulièrement agressif a proposé à son associé.

Il existe aussi des appareils dédiés aux patients, mais je n’en parlerai pas.

 

Par ailleurs, par courrier électronique cette fois, plusieurs confrères non cardiologues m’ont posé la même question.

 

Je vais donc mettre mon grain de sel dans cette histoire.

 

Le principe du système est assez simple.

 

Il s’agit d’un boîtier de la taille d’un appareil de lecture portable de carte bancaire.

On branche les électrodes périphériques et une seule électrode standard sur le patient. L’appareil reconstruit l’ECG (comme le font certains scopes de réanimation). Ensuite, à l’aide d’un téléphone banal, le médecin le télétransmet à un centre de recueil qui fonctionne en permanence. Là, l’ECG est lu et le tracé interprété est renvoyé au médecin demandeur.

 

Il semble que le CNOM et plusieurs médecins généralistes aient porté plainte contre une société qui commercialise ce type d’appareil. Le CNOM semble avoir porté plainte pour exercice illégale de la médecine (la qualification des médecins qui interprètent les ECG semble avoir été mise en doute).

Par contre, je ne connais pas trop le motif de la procédure des médecins.

A ce qu’il semble, le coût de la location mensuelle est assez important (j’ai lu plusieurs chiffres qui tournent autour de 120 euros), et le contrat assez contraignant (durée de contrat de plusieurs années).

J’utilise beaucoup de « semble », mais je n’ai pas trouvé sur le net de sources indiscutables qui étayent ces informations (notamment sur le site du CNOM, ou sur le site d'une société qui commercialise ce système et qui est en cours de "mise à jour" depuis plusieurs semaines).

Ces informations sont donc à prendre avec des pincettes.

 

Je ne vais donc pas me prononcer sur l’affaire en elle-même, mais plutôt faire quelques remarques sur la télémédecine en général et ce système en particulier.

 

- La télémédecine ne peut que se développer dans l’avenir étant donné l’évolution de la démographie médicale (en valeur absolue et en valeur relative en fonction de la répartition géographique). Le CNOM travaille sur le sujet et les six critères exposés par ce rapport daté de 2005 me semblent sains. J’insiste particulièrement sur les points 1, 2, et 5.

 

- Par principe, je suis totalement opposé à la télémédecine tant je ne conçois mon exercice clinique quotidien qu’au contact de mes patients. Mais j’ai parfaitement conscience que mes principes sont obsolètes et le seront de plus en plus au fil du temps. Je suis résigné, d'ailleurs, nous avons déjà franchi la porte.

 

- Je m’interroge sur le côté technique notamment sur la robustesse et la fiabilité du système de reconstruction de l’ECG. Peut-on faire aussi bien avec 1 électrode standard qu’avec 6 ? Cette question n’est pas uniquement rhétorique, je n’ai pas de notion précise sur ce point (et vous, XW ? Doudou ?). En réa, je n’interprète jamais d’ECG reconstruits. Je n’ai même jamais eu l’idée de comparer un tracé classique et un tracé reconstruit.

Même question sur la télétransmission elle-même. Quel est le degré de la compression du tracé et quelle est sa qualité à l’arrivée ?

 

- Maintenant sur le côté interprétation en lui-même : comment peut-on oser interpréter un ECG sans anamnèse, sans connaissance des antécédents, sans examen clinique ?

Je sais bien qu’il y a un médecin auprès du patient, qui peut si besoin téléphoner à l’interprétateur. Mais comment peut-on faire passer tout ce qui fait l’art et la difficulté de notre métier (l’intuition, le coup d’œil, l’expérience) via un fil de téléphone ? Comment peut-on prendre une décision médicale quand le médecin est Janus, avec deux visages opposés, ne pouvant pas percevoir la même réalité ?

L’un voyant un tracé, l’autre le patient ?

 

- Comment le médecin qui s’est abonné à ce service assez onéreux, peut-il rentrer dans ses frais ?

Je comprends parfaitement que le praticien l’ait fait dans la seule optique de rendre service à un patient isolé au sein d’une zone médicale morte (ZMM) ou le plus proche cardiologue (ou service d’urgence ou SAMU/SMUR/SP) est très éloigné.

Mais tout de même, l’abnégation doit avoir des limites.

Notre métier mérite un juste salaire, et je ne vois pas pourquoi un de nos confrère devrait payer 120 euros par mois pour le bien de ses patients, et sans aucun espoir de rentrer dans ses frais.

Je ne peux en effet bien évidemment pas concevoir moralement, éthiquement et réglementairement qu’un médecin puisse facturer à la sécu un DEQP003 (soient 13.34 euros) en plus de sa consultation pour une interprétation qu’il n’a pas effectué, puisque c’est un quidam qui l’a faite.

Mais sur ce point, je suis serein, puisque le président de je ne sais plus quel syndicat de cardiologues, interrogé sur ce point par un journal professionnel, a précisé que les médecins qui ont eu recours à ce système ne l'ont pas fait à but lucratif.

 

- En terme de responsabilité (au moins ordinale), les choses sont claires : c’est le médecin au chevet du patient qui est responsable en cas d’erreur médicale, pas le quidam qui a interprété le tracé.

 

 


En somme, je pense que ce système est, sauf exception particulière (isolement géographique), mauvais :

 

- éthiquement

- techniquement

- moralement

- financièrement (il coûte de l’argent au médecin !)

- réglementairement (en terme de responsabilité)

11:05 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (3)