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28/10/2007

Deux campagnes de sensibilisation.

Je ne suis pas un fanatique des campagnes de sensibilisation qui à force de se multiplier sur tout et n’importe quoi finissent par vouloir faire ressembler notre monde au « Meilleur des Mondes ».

Mais celles-ci (récupérées sur BLONG) m’ont fait rire.

 

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A propos du tabagisme, j’ai encore expérimenté récemment le cynisme comme arme de destruction massive au cours d’un repas de famille (avec ma belle famille) ou un bon tiers des convives adultes fumait (dont un coronarien avec un antécédent de cancer de la vessie, une coronarienne bronchiteuse chronique assez avancée et un pauvre tabagique repenti mais passif avec une endartériectomie carotidienne et une coronaropathie lui aussi).

 

Ce n’est pas moi qui ai lancé le sujet, on m’a demandé mon avis.

Devant tous ces visages avec la clope au bec et le visage vaguement brouillé par l'alcool,  j’ai déclaré (approximativement) :

" Je suis pour la poursuite du tabagisme, surtout chez les gens qui ont déjà eu un problème de santé. C’est grâce à cela que je porte ce polo Lacoste et que je vis confortablement avec ma petite famille. Comme le disait un de mes aînés : « Bons clients, mais pas longtemps !»".

 

Heureusement qu’il y a toujours de nouveaux tabagiques qui prennent la place de ceux qui sont tombés, sinon nos salles de consultation seraient désertiques. La cigarette est l'ennemie du coeur et des vaisseaux, mais l'amie du cardiologue. Mais ça, il ne faut pas le dire.

 

Le tabagique irréductible est prêt à supporter des sermons qu’il sait être inefficaces (comme ceux qui les font d’ailleurs…), mais il ne supporte pas la pointe d’ironie et de cynisme qui met pourtant en lumière ses propres contradictions et son attitude suicidaire.

En plus j’enfreins le tabou ultime pour le patient, que son médecin tire partie de sa maladie.

Je pense que comme les dizaines de fois précédentes où on leur a dit d'arrêter de fumer et aidé pour le faire, ce petit laïus n'a servi à rien. C'est pourquoi je l'ai qualifié plus haut d'arme de destruction massive. Il faut savoir être méchant avec "tact et mesure", parfois.

 

Ca n’a donc pas fait rire du tout, d'autant plus qu'ils ont parfois des fins de mois difficiles. Ils se sont alors drapés vigoureusement dans leur dignité blessée, occasionnant un élégant mouvement d'air dans leur petit nuage de fumée individuel.

Tant mieux, je déteste les repas de famille.

17:45 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (22)

27/10/2007

Elle va mourir.

Un médecin généraliste m’a adressé au cabinet une dame d’environ 70-75 ans en milieu de semaine pour un döppler artériel des membres inférieurs.

 

Elle a des douleurs aux deux jambes depuis environ 48 heures.

Elle a tardé avant de consulter car son mari, atteint d’une maladie d’Alzheimer évolué est totalement dépendant d’elle.

Elle arrive donc, escortée de 2 jeunes ambulanciers.

Elle se tord littéralement de douleur sur le brancard.

Ses deux jambes sont froides et je n’arrive pas à avoir de flux artériel en dessous de la bifurcation fémorale.

 

J’appelle le généraliste et je lui dis qu’elle est probablement en ischémie aiguë. Elle se tortille et geint tellement que j'ai du mal à l'examiner correctement. J'arrive à voir un petit bout d'aorte abdominale qui n'est pas anévrysmale. De toute façon, j'ai fait au plus court, le problème étant d'aller rapidement à l'artériographie. Nous convenons de la renvoyer à domicile où il se rend sans tarder pour essayer de régler le double problème de cette femme et de son mari.

Il est un peu plus de 19 heures et il doit gérer une situation inextricable.

 

Les deux jeunes brancardiers sont désemparés et inquiets, ils me demandent ce que j’en pense.

« Elle va mourir ». C’est tout ce que j’ai trouvé à leur répondre, écrasé par la situation.

Ils sont partis ensuite.

Finalement, le généraliste  va entre temps trouver une place assez rapidement pour la dame âgée. Comment a t’il fait pour le mari ?

 

Une heure plus tard elle était morte.

16:30 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (1)

La crise du gaz.

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Ceux qui lisent régulièrement ce blog se rappellent probablement ça et là des notes parfois un peu agacées sur nos amis anesthésistes.

Pourtant je ne suis pas du tout un anti-anesthésiste viscéral.

J’ai fait 5 mois de réa (et je fais toujours des gardes) et même 1 mois de bloc opératoire en chirurgie cardiaque en temps que simili interne d’anesthésie au cours de mon internat. J’ai donc vu comment cela se passait de l’intérieur et j’ai apprécié à sa juste valeur le travail parfois ingrat de l’anesthésiste.

 

Ca m’énerve donc d’autant plus quand j’en rencontre un qui ne fait pas son travail.

 

Cette semaine, j’ai été confronté à deux reprises à une dysfonction aiguë d’anesthésiste.

 

Lundi matin : une patiente descend en lit du service de chirurgie ortho. Elle a mal au dos (une histoire de chirurgie rachidienne).

Pas de courrier, un traitement marqué sur un demi feuille A4 blanche déchirée avec l’étiquette de la patiente collée dessus. Le dossier est descendu aussi. Le premier mot médical (et le dernier) a été rédigé par un externe 10 jours avant.

Je téléphone dans le service où je tombe sur une IDE puis la cadre qui ne savent pas vraiment pourquoi je dois la voir « L’anesthésiste voudrait savoir si on peut reprendre son traitement cardiaque ». Pourquoi, lequel ? « Je ne sais pas… ».

C’est un peu court.

Je n’ai pas donné d’avis, et j’ai renvoyé la patiente avec un petit courrier explicatif et désabusé et un peu sarcastique destiné à l’anesthésiste agraphique. J’ai aussi pris soin de donner un double de ce courrier à la patiente après lui avoir expliqué que je ne pouvais pas travailler dans ces conditions.

 

Mercredi : un homme jeune, la cinquantaine, vient me voir pour une consultation pré-opératoire au CHU. C’est un patient archi connu du service (je l’ai déjà vu à plusieurs reprises au cours de mon internat) et suivi par le chef de service. Il a un pontage aorto-coronarien, de multiples angioplasties et une épreuve d’effort toujours positive sous traitement antiangineux pour des paliers élevés. Par ailleurs il a une artériopathie des membres inférieurs et a été dilaté sur une artère iliaque.

Il arrive les poings tous faits car il doit bénéficier d’une chirurgie de la rotule et il ne comprend pas trop pourquoi l’anesthésiste lui demande un avis cardio. Il a mal au genou et est contrarié par ce délai, inutile pour lui.

Je lis le courrier de l’anesthésiste (qui travaille en clinique, je le précise).

En substance, il me donne toute latitude pour autoriser ou non l’anesthésie et d’arrêter la double antiagrégation plaquettaire pour une chirurgie « fonctionnelle », comme il me le précise gentiment, au cas où je ne l’ai pas compris.

J’ai levé les yeux du courrier et j’ai dit au patient que cet anesthésiste est soit très con, soit très nul, et que à titre personnel je ne me ferais certainement pas endormir par le rédacteur d’une telle lettre.

 

Explications de texte.

Ce n’est en effet pas au consultant de déterminer si l’on peut endormir ou non un patient. En effet, seul l’anesthésiste qui fait la consultation pré opératoire, et in fine celui qui se retrouve au bloc qui peut décider de le faire. Le geste anesthésique a en effet des spécificités qui échappent assez largement au non anesthésiste.

Comment pourrais-je savoir si on peut endormir avec un risque acceptable un patient si je ne l’ai jamais fait ?

 

Le rôle du consultant est de statuer sur l’état du patient pour sa spécialité et de proposer si besoin des investigations complémentaires ou des traitements en fonction du type de chirurgie, du type d’anesthésie et du profil du patient.

Cette lettre est donc un non sens total et de toute évidence une tentative d’ouvrir grand le parapluie au cas ou un soucis survienne. Et même dans ce dernier cas, le rédacteur est à côté de la plaque.

Imaginons que « j’autorise » cette anesthésie. Si un problème survient, ce sera tout de même l’anesthésiste qui sera en première ligne car c’est lui qui a poussé le produit. La défense du type « le cardio a autorisé l’anesthésie, je m’en lave les mains » ne tiens donc pas.

Je pourrais être inquiété si je n’ai pas fait mon boulot en ne demandant pas un bilan pourtant nécessaire ou en n’optimisant pas le traitement, mais on reprochera tout de même à l’anesthésiste d’avoir endormi un patient non cadré.

 

Peut-être que j’ai mal interprété ce courrier. Mais l’impression qu’il donne est globalement mauvaise et en discutant longuement avec le patient, ce dernier a confirmé mon sentiment en me racontant l’entretien qu’il a eu avec l’anesthésiste.

En gros, un praticien qui ne veut prendre aucun risque avec un patient « lourd », et qui ne veut endormir que des patients en bonne santé pour éviter les ennuis et l’inflation de sa police d’assurance professionnelle. Financièrement, il est plus rapide et bien plus simple d’endormir 5 patients qui vont bien qu’un seul patient à problèmes.

Nous sommes tous confrontés à cet axiome dans notre pratique quotidienne : les patients sans intérêt médical (je ne parle pas du tout de l’intérêt humain qui est fondamental, mais que je situe sur un autre plan) remplissent nos poches et vident notre cerveau (moins de réflexion et moins de soucis), les autres, les compliqués font le contraire.

Je comprends donc un peu la tendance à favoriser les premiers.

Mais dans ce cas j’ai trouvé que ce médecin poussait le bouchon un peu loin. J’espère donc l’avoir exaucé en lui évitant d’avoir à gérer un patient trop lourd.

 

J’ai donc conseillé au patient de prendre un deuxième avis, si possible dans une grosse structure privée ou mieux de type CHU où il sera pris en charge plus sérieusement à tous les niveaux.

 

En effet, par ailleurs, il se plaint d’une claudication typiquement artérielle et serrée du côté controlatéral à la rotule fautive, c'est-à-dire du côté où on lui a déjà dilaté l’iliaque.

Et ça, a priori, c’est passé à travers la consultation d’anesthésie.

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas écrit, je ne pense pas le moins du monde que son problème de rotule puisse être en fait être un problème artériel.

 

Je lui ai donc prescrit un döppler artériel des membres inférieurs et une échographie à la dobutamine pour faire son bilan annuel, et compléter son éventuelle évaluation préopératoire.

 

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Est-ce vraiment éthique tout cela ?

Pas vraiment.

Mais mon attitude est justifié par l'intérêt inaltérable du patient, par les règles du savoir vivre et l'étymologie.

Ainsi, prenons comme exemple l’entête  traditionnel « Cher confrère ».

Si on précise systématiquement le laudatif « Cher », c’est que cette notion n’est pas implicite.

Par ailleurs, l’étymologie de « confrère » est éloquente. Ce mot vient la réunion de deux mots dont l’origine se perd dans la nuit des temps : con et frère. On aime le plus souvent son frère, mais on peut se chamailler avec lui et penser qu'il est vraiment con parfois .

 

 

11:55 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (4)