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26/11/2007

Eponymes

J’ai trouvé cet article intéressant du Figaro via le blogue du CISMeF.

  

   

Faut-il purger les éponymes médicaux ?

Allons plus loin, faut-il carrément les supprimer et les remplacer par des expressions descriptives ?

Commençons pas le second point (le plus simple)

Remplacer le terme de « granulomatose de Wegener » par «granulomatose nécrosante idiopathique » me semble intéressant.

Ce dernier terme apporte en effet 3 informations au lieu d’une : c’est une granulomatose qui nécrose et dont l’origine est inconnue.

C’est un gain indéniable pour l’étudiant qui doit mémoriser des quantités astronomiques de signes et de symptômes.

Maintenant, l’expression elle même n’est pas forcément simple à mémoriser, notamment pour le patient.

« J’ai un Wegener », d’accord.

« J’ai une granulomatose nécrosante idiopathique », j’ai hâte de voir le premier patient qui arrivera à me le dire correctement.

Maintenant, en cas de poly malformations, comme dans les cardiopathies congénitales, quelle va être la périphrase descriptive qui se devra d’être à la fois concise et évocatrice ?

J’attends vos suggestions pour le syndrome de Laubry-Pezzi et la tétralogie de Fallot.

Je n’insisterai même pas sur la perte de notre patrimoine médical. Tout le monde s’en fiche à l’heure des EPP et de l’AT2A. Tout le monde, hormis bien sur de vieux agrégés avides de s’occuper et de donner l’impression de justifier leurs revenus universitaires.

Qui connaît encore (sans avoir regardé sur google) la vie et l’œuvre de Charles Laubry (1872-1960) ?

Le premier point est bien plus délicat, car bien plus sensible.

Ce n’est plus la raison qui parle, mais le cœur, les tripes.

Faut-il purger de notre vocabulaire tous les médecins qui ont eu une conduite impardonnable ?

L’article du Figaro donne l’exemple de Wegener, de Leriche, mais il y en a bien d’autres.

La question est délicate.

Je me souviens qu’à Lyon, la « Faculté Alexis Carrel » a été débaptisée en 1996 au profit d’un nom plus consensuel : « Faculté Laennec ».

Alexis Carrel était une ordure, mais il était presque lyonnais (Sainte-Foy-lès-Lyon) et un des rares prix Nobel de Médecine français. Je ne sais pas si Laennec a eu une vie parfaitement politiquement correcte, mais je ne suis pas sûr qu’il ait mis, ne serait-ce qu’un seul orteil dans le Rhône. Son choix (hormis bien sûr le fait qu’il soit le génial inventeur du stéthoscope) se justifie donc par son absence supposée de participation au Régime de Vichy.

Avant que le « PCF» et que « Ras’le front » ne fassent la campagne dont on se souvient encore à Lyon, tout le monde avait oublié les agissements d’Alexis Carrel.

Maintenant, tout le monde s’en souvient.

Est-ce mieux ?

Est-ce que la médecine y est mieux enseignée ?

Est-ce que l’humanisme a progressé ?

Le fait que le PCF ait mené cette campagne est aussi particulièrement ironique.

Comme tout le monde le sait, les communistes ont en effet une expertise plus que nonagénaire dans la démocratie et l’humanisme éclairé.

On devrait poursuivre la purge plus loin, et débaptiser les descendants d'Alexis Carrel (si il y en a) et les rebaptiser « Laennec ». On devrait aussi le déchoir de sa nationalité française, l’exhumer et balancer son corps dans les eaux internationales.

Pourquoi s’être arrêté en si bon chemin ?

Où se situe la frontière entre le bon sens et l’absurde ?

 

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Incroyable, le hasard !

Je venais JUSTE de taper cette note au cours de ma consultation hospitalière en attendant le patient suivant, quand celui-çi arrive.

Et il a un …

Devinez quoi, un Wegener !

Dialogue :

« ...

- vous avez quoi ?

- un Wegener

- Incroyable! Je viens de lier à l’instant qu’il faut plus l’appeler « Wegener », mais « granulomatose nécrosante idiopathique  ». Il va falloir que vous appreniez ce terme.

- Ca m’étonnerait ! Et pourquoi donc ?

- Parce que c’était un médecin nazi, et ils viennent de s’en rendre compte maintenant.

- Je m’en fous qu’il soit nazi ou chinois !

… »

Le peuple a tranché.

11:45 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (7)

24/11/2007

Télémédecine (via SMS).

Parfois, on tombe sur des patients fabuleux.

 

La semaine dernière, je reçois un patient après une intervention de chirurgie cardiaque.

40-45 ans, lui et sa femme sont très sympathiques. Il a une profession libérale, et le courant passe vite.

 

Au cours de la semaine, une échographie cardiaque montre un épanchement péricardique. C’est assez banal après une chirurgie cardiaque, mais le sien est assez abondant et mal placé (juste en regard du ventricule droit). En cas d’évolution défavorable, il pourrait tout à fait faire une tamponnade.

 

Je le contrôle de nouveau vendredi et l’examine. Je le bourre de corticoïdes en espèrant que l'épanchement est d'origine inflammatoire.

Il avait extrêmement hâte de sortir en permission ce samedi et ce dimanche, et je n’ai pas eu le courage de l’annuler. Je lui donne mon numéro de portable pour me contacter en cas de problème, même mineur. Je prends mon temps pour lui expliquer.

 

- Mais je vous préviens, aucun effort durant ces deux jours.

- D’accord, pas de problème.

- L’interdiction comporte aussi les câlins.

- Oh ! Noooon !

-Et si…

- Ce n’est pas possible…

- Uhmm, c’est d’accord, mais je vous interdis de bouger !

Grosse rigolade.

 

Nous retournons dans sa chambre ou nous attend sa femme.

Je lui explique tout jusqu’au moment des câlins. Il reprend la parole :

- C’est d’accord, mais je n’ai pas le droit de bouger.

Elle éclate de rire. Je me tourne vers elle.

- Mais, ça vous laisse néanmoins un éventail encore considérable

Rires.

  
 

J’insiste encore sur le point qu’ils peuvent me contacter à toute heure.

- Mais, mon portable étant du côté de mon épouse, je vous demande simplement de ne pas dire « Nous avons fait un câlin et ça va pas » à 3h00 du matin, si elle décroche. Elle pourrait ne pas apprécier !

Ils me promettent de faire le/les câlin(s) avant 22h. Je discute un peu : 20h !

Je sors de la chambre hilare.

 

Ce matin, je le réexamine de nouveau : tout est en ordre.

Il part en permission.

 

13h15, un SMS :

« Jusque là tout va bien. Merci, bon WE »

 

Je lui renvoie :

« Félicitations ! »

15:25 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (6)

Prescience.

« Pseudo science » tranche Wikipedia.

    

Je suis bien d’accord.

Mais la prescience fait partie du quotidien de notre métier.

Vous arrivez devant un patient, vous l’interrogez, vous lisez son dossier, vous l’examinez, et vous savez qu’il va lui arriver malheur.

Ses futures souffrances, épreuves et mort étourdissent subitement votre esprit.

Vous continuez à lui parler, vous souriez pour donner le change, lui aussi.

Vous n’êtes plus tout à fait avec lui, vous voyez ce qui va lui arriver, et vous vous sentez écrasé par l’inéluctabilité.

Mais vous devez continuer à sourire, coûte que coûte.

Ca m'arrive parfois, ça m'est arrivé hier avec un gentil patient qui a fait un gros infarctus.

Il ne le sait pas, mais la messe est dite.

C’est une certitude, et malheureusement, en général, je ne me trompe pas.

Autre chose qui va vous paraître très prétentieux (mais ce ne l’est pas du tout dans mon esprit) : la connaissance et l’expérience sont parfois un énorme fardeau.

   

Ce sont les seuls moments où je trouve mon métier difficile.

11:05 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (1)