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06/01/2008

Le miracle chinois.

Je ne parlerais pas du miracle économique, mais des possibilités de miracles médicaux offerts par certains hôpitaux de l’Empire du Milieu.

 

Cet article du Washington Post relate que plusieurs centaines des malades souffrant de paralysies traumatiques, ou de maladies neurologiques dégénératives se font hospitaliser en Chine afin de bénéficier d’une greffe de cellules souches, associée à des traitements médicamenteux et une thérapie physique intensive.

Ces cures de deux mois environ coûtent entre US$20000 et US$40000.

Certains patients hypothèquent leurs maisons ou font appel à la générosité de leurs proches afin de pouvoir financer leur voyage miraculeux.

Peut-on parler de miracle, justement ?

Les choses sont peu claires.

Des patients décrivent des améliorations limitées et ils s’en satisfont. Les médecins qui les ont examiné avant et après semblent plus circonspects.

 

Effet Placebo ?

« Obligation de résultats » pour le patient étant donné les sacrifices financiers consentis ?

Effets de la thérapie physique intensive ?

Ou réelle efficacité de la thérapie cellulaire ?

 

Une petite étude réalisée sur 7 patients (malheureusement non référencée par le « Post ») semble écarter la dernière hypothèse.

 

Tout change, rien ne change depuis des temps immémoriaux.

Les charlatans existent toujours, mais maintenant ils se parent d’un vernis scientifique.

Ce qui est grave dans cette histoire est l’absence de rigueur scientifique (très peu de ces travaux chinois sont publiés) et l’absence de règles protégeant l’être humain qui n’est dans ce cas rien d’autre qu’un cochon d’Inde volontaire et payant.

Non moins grave, le web est un formidable haut-parleur quasiment dérégulé pour ces marchands d’espoir. Comment des gens de Webb City, Mo (nom prédestiné !) ont pu avoir connaissance de ces techniques ? Avec une seule page web, combien de poissons ferrés ?

 

Le principe de ceux qui proposent de telles thérapies est simple.

Ces règles et cette rigueur « gênent » la recherche en Occident, venez donc chez nous. Vous y bénéficierez des dernières innovations scientifiques.

 

Le problème est que « innovation » ne signifie pas forcément « progrès ». Pour transformer l’une en l’autre, il faut passer par une longue période de validation scientifique et éthique.

Cette attente est désespérante pour les patients, certains ne bénéficieront même jamais des résultats, mais elle est nécessaire.

 

Honte sur ces « scientifiques » (un responsable cité est docteur en biochimie) qui profitent des espoirs immenses des patients.

« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

 

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China Offers Unproven Medical Treatments. Christopher Bodeen et Alan Scher Zagier. The Associated Press/The Washington Post. Saturday, January 5, 2008.

 

 

Un lien pour éclairer les patients dont la moelle épinière est atteinte, et qui envisagent de suivre un traitement expérimental.

 

08:40 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)

04/01/2008

Charité bien ordonnée…

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J’ai trouvé sur Medgadget une histoire qui m’a bien fait rire (jaune).

 

 

Aux EU, certains hôpitaux identifient par un bracelet de couleur porté au poignet les patients à ne pas réanimer en cas d’aggravation de leur statut vital (les patients DNR pour «Do-Not-Resuscitate »).

Une étude parue dans le Journal of Hospital Medicine et publiée en ligne le 13 décembre 2007 constate que les codes de couleurs ne sont pas standardisés et qu’ils varient largement sur l’ensemble du territoire des EU.

Un bracelet DNR peut très bien être vert, jaune, bleu, doré, voire blanc avec des étoiles bleues ou vertes (je n’invente pas !).

En tout cas, il n’est jamais noir, pour les raisons que l’on peut parfaitement imaginer (vieille peur issue de la « tache noire » du roman de Stevenson ?).

Je ne parle même pas des autres moyens d’identification des patients DNR, qui varient aussi presque à l’infini (codification variable dans le dossier médical qui peut être électronique ou papier, sur la pancarte…).

 

Bref, l’article rapporte que près de 70% des 69 infirmières interrogées ont le souvenir d’un doute sur le statut DNR d’un patient.

 

Les auteurs racontent notamment dans un autre article que les bracelets jaunes « Livestrong » fabriqués par Nike et vendus $US1 au profit de la fondation de Lance Armstrong (impliquée dans la lutte contre le cancer) ont provoqué plusieurs « doutes » dans des établissements ou les bracelets DNR sont justement jaunes.

Aucune erreur regrettable et définitive n’a toutefois été signalée jusqu’à présent.

 

Quelle ironie, un bracelet « Livestrong » qui peut potentiellement conduire à une non réanimation !

 

Photobucket

 

 

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Sehgal NL, Wachter RM. Identification of inpatient DNR status: A safety hazard begging for standardization. J Hosp Med. 2007 Nov;2(6):366-71.

 

09:05 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)

03/01/2008

Le paravent.

Hier à la consultation, j’ai vu en consultation une femme d’une cinquantaine d’année.

Néoplasie laryngée l’an dernier, trachéostomisée.

Récidive massive il y a peu avec mise en route par les oncologues d’une chimiothérapie « en urgence ».

Les ORL espèrent bien pouvoir l’opérer de nouveau (les oncologues, eux,  sont dubitatifs et résignés), d’où la consultation cardio-vasculaire pré anesthésique.

Sa sœur et sa petite fille sont déjà vêtues de noir.

 

Son état cardio-vasculaire est parfait.

Elle n’a jamais fumé ni bu, elle faisait de la randonnée en montagne il y a peu.

Comme je suis surpris, elle me souffle que son absence de facteur de risque étonne chaque médecin.

Encore une habitante des limites de la courbe de Gauss.

 

Je lui fais fait la bise en lui souhaitant tous mes vœux pour 2008.

Il faut faire comme si.

Je fais aussi la bise à sa famille.

Elle savent et comprennent.

 

Après son départ j’étais ébranlé.

Le plus souvent, le médecin se décharge de son empathie en pensant « c’était prévisible », voire « il l’a bien cherché » devant des facteurs de risque poursuivis en connaissance de cause tels le tabagisme et l’alcoolisme.

C’est déjà un peu plus difficile quand l’alcool et le tabac ont été sevrés, encore plus si ce sevrage a été prolongé.

 

Mais quand il n’y a rien ?

 

Nous autres, les cardiologues, sommes particulièrement sensibles à ce type de "morale". Depuis toujours, on nous serine, et nous serinons à nos patients notre laïus sur les "bourreaux du coeur", "Les facteurs de risque cardiovasculaires", que "si vous faites ceci, il vous arrivera cela...".

Je me demande comment font les onco-pédiatres pour tenir. Je n'aurais pas eu le courage de faire cette spécialité.

  

Comment réagir devant cette patiente?

La vieille morale judéo-chrétienne du pêché/punition qui baigne ma vie d'occidental, aussi injuste réductrice et stupide soit-elle, n’est même pas là pour me protéger, me servir de paravent devant son drame, alors « qu'elle n'a rien fait ».

 

Et là, c’est vraiment dur d’être médecin.

11:35 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (5)