17/03/2007
Ansuf !
Un homme, la soixantaine, habillé en costume cravate, déboule à ma consultation hospitalière avec du retard.
« Excusez moi, l’avion d’Alger s’est posé à l’heure, mais le trafic était terrible ! ».
Il me raconte une histoire de précordialgies typiques, de survenue de plus en plus fréquente depuis quelques semaines. Par ailleurs, il est diabétique et stressé (cadre supérieur à la retraite mais reconverti dans l’aviation). Il consulte un cardiologue à Alger qui lui a fait un ECG peu contributif, mais qui l’a traité par antiagrégants plaquettaires et bêtabloquants.
Mon ECG montre quelques petites anomalies en effet, mais sans plus.
Mais son histoire est inquiétante. En coronaropathie, l’anamnèse prime sur l’ECG.
« Vous n’avez aucune prise en charge et vous n’êtes pas français ?
- Je l’ai été, et je n’ai pas de prise en charge. Mais je peux payer.
- Vous êtes kabyle ?
- Oui
- Ah, excellent ! »
Il me regarde bizarrement. Qu’il soit kabyle ou arabe modifie peu la situation, mais dans ce cas, il faut faire rapide et économique. Pas d’examen complémentaire superflu, on va directement à la coronarographie. Or, au CHU, travaille un ami, un jeune coronarographiste plein de talent, qui est justement… kabyle.
Je l’appelle on voit le dossier ensemble. L’hôpital demandera 600 euros pour une coronarographie, un peu plus si on le garde une journée. Cela ne pose pas de problème au patient, et mon ami n’aura pas trop de mal à faire une petite place dans son emploi du temps.
Il aura une coronarographie le lendemain pour évaluer la situation, après on verra.
Son fils l’appelle sur le portable : « On me fait l’examen demain, je suis entouré de kabyles sympathiques ! ».
C’est sympa d’être ainsi assimilé kabyle ! D’un autre côté, je connais trois mots et je sais faire les makrouts à la mode berbère… Ce sont ces petits riens qui fondent une proximité, si ce n’est une appartenance.
Le problème est qu’il se révèle être tritronculaire, et qu’il faut le faire ponter.
Le budget n’est pas le même : 15000 euros (payables d’avance à l’administration).
J’ai appelé le chirurgien et on va voir avec le patient ce qu’il veut faire.
On se rend compte que l’assurance maladie c’est très bien, quand on n’a pas…
Ce n’est d’ailleurs pas dit que dans quelques années, une partie de la population française (celle qui est défavorisée, mais pas assez pour bénéficier de la protection minimale) pour qui les mutuelles sont hors d’atteinte et la couverture sociale déclinante, ne se retrouve pas plus ou moins dans la situation de mon brave kabyle, c'est-à-dire devoir sortir de sa poche des sommes importantes pour sa santé.
(Kropo, c'est comment la chirurgie cardiaque à Alger?)
09:45 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (3)
12/03/2007
Le staff de néphro.
Tout à l’heure, une interne de néphrologie m’a contacté pour me demander de participer à un staff afin de discuter de l’avenir d’une patiente.
Cette patiente est âgée, dialysée chronique, cataloguée démente, vivant seule à la maison et a une fibrillation auriculaire que je suis depuis quelques semaines, même si, comme vous pouvez constater, c’est loin d’être son problème principal.
C’est la famille qui a demandé à ce que je sois présent car « ils ont toute confiance en moi ».
Ca m’a vraiment touché, même si je ne sais pas ce que je vais pouvoir dire à un staff de néphro. On verra demain.
18:37 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)
Il ne va pas s'user, ton stétho!
11h30, le téléphone sonne.
Un interne des soins intensifs néphrologiques me demande une échographie cardiaque.
Je bougonne, je n’aime pas trop ces échographies urgentes que l’on découvre subitement en fin de matinée.
Le patient a une image douteuse sur la mitrale avec une petite fuite sur une échographie précédente, peut-être une endocardite.
Le patient s’est dégradé dans la nuit et l’interne suspecte une aggravation de la fuite mitrale.
Il me demande donc un contrôle en urgence.
- Et il y a un gros souffle à l’examen ?
- Euuuh, je ne l’ai pas écouté…
- Excellent, je te félicite !
En arrivant aux soins avec mon appareil, il m’accueille avec le sourire et un superbe stéthoscope « Littman Master Cardiology » (le même que le mien) passé autour du cou.
- Il n’y a pas de souffle.
Je n’ai pas pu m’empêcher, je me suis moqué.
J’ai fait l’échographie, la fuite ne s’est pas aggravée, mais il faudra tout de même faire une ETO (échographie trans oesophagienne).
14:45 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (8)