05/03/2007
Télétransportation, Scotty ! (bis)
Je viens de me rappeler que je m’étais mis dans une situation aussi très embarrassante quelques minutes plus tôt.
Une femme vient à la consultation pour une échographie cardiaque.
Elle a la trentaine, et doit largement dépasser les 175 cm et les 90-95 Kgs.
Une sorte de walkyrie, mais brune si vous pouvez l'imaginer. Elle porte une jupe noire vraiment courte et des bottes en cuir noir. En se couchant sur le dos, sa poitrine assez imposante reste bien bombée. Je me suis dit, des implants.
Je la fais tourner sur le flanc gauche et je commence l’échographie. Je mesure 182 cm et mes bras sont en proportion. Et bien, croyez moi, en étant assis, je n’arrivais pas à poser la sonde d’échographie en parasternal gauche.
On discute, elle est déléguée médicale.
Vous pouvez bien imaginer que je me suis engouffré dans le sujet de l’évolution de ce métier. Probablement bien plus fine que moi, elle était du même avis.
Bref, à un moment j’ai dressé un portrait robot des visiteuses : blondes cérébrales et capillaires, taille mannequin et vêtements ajustés au millimètre.
Avec un grand sourire : « Et vous trouvez que je leur ressemble ? ».
Euh…non, pas du tout uhmmm vous ne trouvez pas qu’il fait chaud dans cette salle n’est-ce pas ?
Ensuite j’ai beaucoup ramé en marche arrière : mais non, mais non….
Elle ne devait pas avoir d’implants car je ne les ai pas vus en échographie, mais je n’ai quand même pas poussé la goujaterie jusqu’à le lui demander.
18:25 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (3)
Télétransportation, Scotty !
Il y a des moments où l’on aimerait être ailleurs.
Ce matin, je vais faire deux échographies en réa polyvalente, à l’hôpital.
L’échographie du premier patient passe comme une lettre à la poste.
Je rentre avec mon appareil d’échographie dans la chambre du second.
L’assistant de réa me précise que ce patient, personnage connu de la Cité a bénéficié d’une chirurgie abdominale lourde dont les suites se sont avérées houleuses.
Une suture a lâché, le patient a fait un choc hémorragique avant d’être repris au bloc à moitié mort.
C’est le grand professeur Clovis Héral qui s’en est occupé personnellement.
Le patient a des drains de partout.
Je commence l’échographie cardiaque, debout, contre le bord droit du lit (du point de vue du patient). L’assistant est debout contre le bord gauche.
Et je ne vois rien.
Strictement rien.
Je n’arrive pas à trouver la moindre fenêtre échographique.
J’entends un brouhaha derrière moi.
Le Pr Heral, un bronzage à faire pâlir n’importe quel dermato vient de rentrer dans la chambre, flanqué d’un PH de réa.
Je ne vois toujours rien.
L’assistant compatit.
J’entends le Pr Heral qui me demande si je vois quelque chose, je réponds que non, il me dit qu’il l’avait bien remarqué.
Je demande à l’assistant de réa de m’aider à tirer le patient sur son flanc gauche.
Pendant la rotation, je surveille la sonde d’intubation pendant que les sommités parlent d’un autre patient derrière mon dos (vieux réflexe de réanimateur).
J’entends un « pop » devant mon ventre : un des drains abdominaux vient de se désadapter. Le contenu de la pas-si-petite poche collée à la peau se déverse dans le lit.
Je m’éloigne du lit pour échapper au flot et je réadapte le drain. Un infirmier qui était juste à côté tend un « tapadou » pour éponger (et cacher) la grosse flaque qui s’étend sur le lit.
Le blabla bronzé n’a pas varié d’une octave derrière moi. Ouf.
Bon, je n’y vois pas mieux.
Je repars de la réanimation, dépité.
18:07 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)
04/03/2007
Pourquoi Médecine ?
C’est en discutant de nos métiers respectifs avec un magistrat que j’ai eu l’idée de cette note.
Je ne suis pas vraiment porté sur l’introspection, ce qui fait que ce n’est qu’à l’occasion d’échanges avec d’autres que je prends le temps de me poser et de m’en poser (des questions !).
Comme pour beaucoup de confrères, j’ai été inspiré par des exemples familiaux.
Une mère sage-femme, un père absent mais chirurgien ont baigné mon enfance dans un bouillon de culture médicale mi-réel, mi-imaginaire qui n’a poussé qu’en terminale. Depuis mes premiers souvenirs, il y a dans les placards de la maison un crâne de femme, un fœtus d’un enfant mort-né que ma mère avait accouché, conservé dans une bouteille d’alcool, et un vieux stéthoscope Pilling. Tout cela était naturel pour moi, ni inquiétant, ni malsain (d’ailleurs, le crâne trône actuellement dans ma chambre).
Jusqu’à cette date, je ne me suis jamais pensé médecin, je ne voyais même pas vraiment à quoi cela pouvait correspondre. Ma seule référence était la série « Médecins de Nuit ». En définitive, cette référence ne s’est pas avérée être si mauvaise que cela, et je viens juste de découvrir que son créateur, Bernard Gridaine est le pseudonyme d’un certain Bernard Kouchner.
En terminale D (j’aurais volontiers fait C pour le prestige mais j’étais mauvais en math et en physique, ce qui était, parait-il, rédhibitoire), quand on m’a demandé ce que je voulais faire, j’ai répondu « Fac de médecine ».
C’était un peu par défaut, et aussi sous l’impulsion maternelle : « les médecins généralistes du coin vivent bien, tu n’as qu’à faire ça ».
« Vivent bien », sous entendu du point de vue pécuniaire.
Il ne faut jamais sous estimer le pouvoir attracteur de l’argent au sein d’une famille dauphinoise.
Donc va pour « Médecine ».
Donc pas de longues cogitations autour de l’altruisme, de la vocation, du sacerdoce même.
De toute façon, comme je l’ai déjà dit, la réflexion contemplative n’est pas trop mon truc.
Après, viennent la course d’obstacles de la P1 puis ensuite le travail fort peu intéressant de l’externe.
Finalement, dans mon souvenir, tout a commencé le premier jour de l’internat.
C’est ce jour ou j’ai traité mon premier patient et ou j’ai travaillé au sein d’une équipe paramédicale qui comptait sur moi que j’ai compris tout ce qu’être médecin voulait dire.
Après, tout s’enchaîne : premiers succès, échecs, regrets, morts, miracles, premières responsabilités écrasantes, minutes d’angoisse, craintes, joies, peines.
La richesse et la beauté incroyable de ce métier ne me sont apparues que lors de ces premiers mois d’internat. Avant d’avoir pratiqué, on ne sait rien et c’est à se moment qu’il faut s’accrocher à des études austères comme un rocher déchiqueté en bord de mer.
Après, il ne faut pas perdre le cap, ne jamais se laisser corrompre, et ne jamais exercer son métier comme un métier, justement, mais comme une passion.
Ce soir, j’ai regardé les oreilles douloureuses de Guillaume avec un otoscope. J’ai ensuite regardé celles du petit (« Thomas aussi bobo… »). Bien sûr, je leur ai fait regarder à chacun le tympan de son frère. Quand je sors mon stéthoscope, je fais pareil (j’insiste plus, bien sûr !!).
Une passion commence souvent par de petites choses.
20:15 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (12)