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25/01/2007

Variété.

Ce que j’aime bien dans ce métier, c’est la variété absolue des gens que l’on est amené à rencontrer sans ségrégation ni sélection.

Car la plupart du temps, on ne rencontre que des personnes de son milieu.

Petit florilège pris au hasard entre lundi 22/01 8h00 et mercredi 24/01 20h00.

 

  • Une petite mamie de 75 ans totalement sourde qui a probablement appartenu au milieu de la danse (« Roland Petit, vous connaissez ? Euuhh, non ») et qui a un amoureux de 73 ans.
  • Un couple d’arménien d’Arménie dont seule la jeune femme parle français (manque de chance, c’est Monsieur qui a mal à la poitrine à 32 ans).
  • Un monsieur éthylo-tabagique mais jeune (45-50 ans) qui sort de 3 mois de réa polyvalente pour un infarctus antérieur et qui a fait un gros OAP hier (quand je suis arrivé, on attendait le SAMU). Sa femme se fout  totalement  de lui  ("il  faut  venir ?",  j'aurais voulu répondre "Non, pas besoin, on  vous enverra  le corps  par  la Poste").
  • Une vétérinaire algérienne de 40 ans qui amorce une deuxième grossesse en France alors qu’elle a déclenché une hypertension artérielle gestationnelle pour la première (je sens qu’elle va m’empêcher de dormir, celle là…).
  • Une sage femme enceinte avec une phlébite et une embolie pulmonaire (j’en ai déjà parlé).
  • Un monsieur corse dont le cerveau est bouffé par l’alcool et le tabac ("Ce que je veux dire c'est euuuhhhhbahhhhhpppffff...").
  • Un employé de banque qui m’a donné quelques conseils de placements (en dehors de son établissement, ouarff) et avec qui j’ai échangé quelques passages de « Belle du Seigneur » d’Albert Cohen.
  • Un psychotique hypertendu non équilibré sous pentathérapie antihypertensive à pleine dose. Mon bilan est négatif, mais sa fille m’a dit il y a peu de temps qu’il buvait 1.5l de café par jours (en plus de ses 2 paquets…). J’ai demandé à l’interne de psy de faire une enquête. J’espère que ce dernier ne tourne pas au même régime.
  • Un schizophrène de 18 ans adressé pour HTA de découverte récente par le service de psychiatrie. Tension : 120/80. J’appelle le service.
  • Un monsieur de 70 ans qui gère tout seul ses bêtabloquants. Oulààààà !
  • Un « jeune » de 33 ans que sa cardio a mis sous bêtabloquants pour une HTA. Encore une sadique qui veut diminuer le nombre d’érections quotidiennes dans le monde.
  • Un gardian camarguais de 49 ans, à la vie digne d’un roman : fils de légionnaire, légionnaire 8 ans, bûcheron, garde du corps d’hommes politiques en France (« puis j’en ai eu marre de risquer ma vie pour ces pingouins ! »), videur de boite de nuit puis gardian (« J’ai le même cheval depuis 6 ans, il vaut mieux que bien des hommes ! »). Je lui ai fait un döppler artériel des membres inférieurs. Actuellement, il attend deux interventions : une pour son cancer du poumon, et peut-être une pour le cœur.
  • Un « peut-être » cousin qui vient du même coin que moi. Son nom est du genre « Bassmore ». Sa femme qui est porteuse d’une valve aortique mécanique doit être opérée dans la semaine d’une grosse tumeur au cerveau.
  • Une marocaine qui ne parle pas un mot de français, mais alors pas un seul. Pas très simple pour les explications.
  • Un ancien marin qui raconte en boucle comment il s’est pris un container sur la main droite en 1954 dans la baie du port de Hong-Kong et comment il a été (mal) opéré à Kowloon. Sa fille sourit avec clémence.
  • Une mamie de 80 ans qui doit remettre une lettre au chef de service de chirurgie cardiaque (pas loin de la retraite) pour son père. Une lettre d’amour ? Contrarié en tout cas car personne ne la croit.
  • Un nième patient qui vient pour une consultation cardio pré-opératoire avant ...... (pointillés non remplis). J'ai répondu poliment que je ne pouvais pas rendre d'avis.

Et j’oublie des tas de mamies et papys hors d’âge que l’on traîne sans trop de raison dans ma salle d’examen, de diabétiques équilibrés ou non, d’artériopathies toujours tabagiques…

La semaine est loin d’être finie.

08:00 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)

22/01/2007

Marre !

Marre de n’avoir pas trop les idées claires sur les anti agrégants plaquettaires.

C’est un comble pour un cardio…

Même si vous ne le voulez pas, je vais faire une synthèse et pondre une note spéciale dans la semaine (voire plusieurs...).

Ces recommandations deviendront probablement caduques avant la fin de l’année !

18:40 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (2)

Les différents visages de la vérité (3/3)

Un peu plus tard, je rencontre la femme de ce patient, accompagnée de sa deuxième fille.

La femme ne dit pas grand-chose, je pense qu’elle a fait une partie du chemin.

 

La deuxième fille, la quarantaine, me regarde durant toutes mes explications renouvelées. Et elle pose les « bonnes » questions. Ce n’est pas que le reste de la famille en posait de « mauvaises », mais j’ai eu le sentiment net qu’elle voulait savoir et se doutait que nos paroles un peu berçantes cachaient plus de craintes que d'espérances.

A plusieurs reprises au cours de la discussion, j’ai eu envie de lui faire signe, de la prendre par le coude pour lui parler en particulier. Mais c’était impossible devant sa mère.

Nous nous séparons.

 

Elle tape à la vitre, seule, un peu plus tard.

 

Après une question alibi, nous parlons cartes sur table.

 

« Il va mourir à brève échéance, il est inopérable, seule une valvuloplastie pourrait être envisagée, mais il faut l’envisager  plutôt comme une manœuvre de la dernière chance. En  cas de succès, il restera le problème de ce ventricule gauche qui est atone et qui le restera probablement (il n’a toutefois pas eu d’échographie à la dobutamine pour estimer ce paramètre) ».

 

Elle me dit qu’un des médecins du centre chirurgical lui avait déjà laissé entrevoir cela, car sa mère est un peu  perdue et sa sœur « refuse d’écouter les mauvaises nouvelles ».

Elle me demande si elle peut partir en voyage de noces.

Je lui dis que oui, qu’il faut penser à elle et que son départ ne changera rien au devenir de son père, que cela ne fera pas d'elle une mauvaise fille.

J’ai alors eu une parole que j’ai beaucoup regrettée ensuite : « allez-y la messe est dite ».

J’ai réalisé ce que je disais en même temps. Trois ans de lycée privé catholique ont fait plus de dégâts que je n’aurais imaginé.

Heureusement, elle ne semble pas m’en avoir tenu compte.

Après un petit silence : « Merci de m’avoir dit cela. Mon premier mari est mort d’un cancer de la gorge et les médecins disaient que c’était grave, mais que ça allait aller. Quand il est mort au bout de 15 jours, je suis tombée de très haut ».

Pour le coup, c’est moi qui me suis tu.

17:15 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (4)